Le « boeuf » par Christophe Bordas & Ged Wallis

 

Pour aborder la réflexion sur la répétition ou sur la non-répétition à travers les boeufs musicaux, nous avons rencontré deux figures des boeufs musicaux en tous genres Christophe BORDAS, violoniste de Folk à l’Ame, et Ged WALLIS, joueur de banjo du groupe “Les Incontinentals”, deux musiciens que l’on peut croiser dans tous les lieux où se déroulent ces rencontres.

NML : Comment se passent ces bœufs ?
Ged Wallis : Avec des musiciens qui sont là, il arrive qu’on ne les connaisse pas, et on arrive à trouver un truc ensemble, et à jouer.
Christophe Bordas : En général, il y a quelqu’un qui commence un morceau et les musiciens qui sont là se greffent dessus.
G. W : De temps en temps, c’est un peu difficile parce qu’il y a des gens qui disent « OK, moi je joue ça tak tak da da tak tak tak » et on arrive à la fin de la chanson, moi j’ai juste trouvé les cordes (rires). Parfois les gens qui arrivent veulent jouer de la musique compliquée, et je suis un peu perdu.
Ch. B : Le fait de jouer des musiques compliquées, ça peut être un frein. Il faut savoir jouer des choses abordables, pour trouver un terrain d’entente. C’est pour ça que la chanson s’y prête bien.

NML : Quand vous propose, un morceau, vous essayer de jouer la version la plus simple ?
Ch. B : Il faut surtout s’entendre sur un répertoire, ne pas lancer de choses trop difficiles pour que tout le monde puisse jouer. Si on joue 5000 notes à la seconde, si on est démonstratif, ça ne sera pas payant pour un boeuf. Il vaut mieux jouer un standard que tout le monde connaît et peut jouer.
G. W : C’est vraiment facile de jouer sur un morceau de blues sur deux ou trois accords, les choses plus compliquées comme des chansons de Boris Vian par exemple, c’est beaucoup plus délicat.

NML : Et quand vous faites des bœufs comme ça, vous êtes plutôt accompagnateur des musiciens présents ou vous proposez d’être accompagné ?
GW : Les deux. De temps en temps, j’ai envie de jouer ça, alors je le joue. Et parfois, il y a des gens qui ont envie que je joue du banjo avec eux, même s’il y a plus souvent des gens qui ne veulent pas être accompagnés au banjo. (rires).
Ch. B : Quand Ged joue du banjo, il accompagne sa chanson, et moi je vais l’accompagner avec autre chose. Si on joue avec d’autres musiciens, on va connaître un morceau en commun, on va le jouer. Ce qui est difficile, c’est qu’il y a un esprit à avoir, il ne faut pas être démonstratif, il ne faut pas se dire, moi je suis le meilleur, et comme ça les autres ils ne pourront pas jouer. Personnellement, je préfère accompagner, trouver un contre chant, ne pas faire le thème parce que quand tu as joué le thème une fois, ça va. Le truc, c’est d’essayer de trouver ce qui va aller avec le thème.

NML : Le boeuf, c’est donc vraiment une création à plusieurs ?
Ch. B : Oui, c’est fabriquer quelque chose avec envie de jouer à plusieurs.
G. W : C’est vraiment une création Le boeuf ça sert aussi à apprendre, j’ai appris de la musique irlandaise comme ça, en essayant.

NML : Qu’est-ce qui fait l’intérêt d’un boeuf ? Que recherchez vous ?
G. W : Pour moi, c’est juste le plaisir de jouer, pour voir les gens qui aiment ça.
Ch. B : Il faut qu’il y ait un feeling réussi, même si tu ne connais pas quelqu’un. Quelqu’un qui va jouer un morceau tout en étant hermétique aux autres musiciens, on ne va pas pouvoir jouer avec lui. Tandis que si la personne qui lance un thème est ouverte, tout le monde va jouer et va s’entendre, ça va être une communion.
G. W Autre chose, je pense que quand nous jouons dans un concert avec le groupe, c’est vraiment carré, il faut être structuré. Avec un boeuf, il n’y a pas de pression. Tu ne joues que situ as envie…

NML : Est-ce que vous arrivez à découvrir les musiciens présents juste à travers leur musique ?
G. W : Oui, je les connais un peu mieux, mais je trouve tous les musiciens bien ! Même s’il y en a qui sont un peu bizarres !
Ch. B : Tu arrives à deviner un peu les gens, ceux qui sont timides, ceux qui ne laissent jamais la parole, etc. Après tu n’en sais pas plus

NML : Est-ce qu’il y a des bœufs qui ne marchent pas ?
G. W : oui, au Rocktambule, parfois quand j’étais le seul musicien !

Propos recueillis par Ricet Gallet (CRMTL) pour les Nouvelles musicales en Limousin, n° 60, juillet-septembre 1999.