Jean Blanchard à La Borie

26 février, 2 et 3 mars 2002

arton92.jpgLe Centre Européen de Rencontres accueillera Jean Blanchard, figure emblématique du renouveau des musiques traditionnelles et de la cornemuse du Centre de la France.
Au programme : deux concerts, un colloque autour de sa musique et une masterclass qu’il animera auprès de l’ensemble vielles-cornemuses du Conservatoire National de Région (CNR) de Limoges.
Philippe Destrem, professeur et responsable de cet ensemble, nous présente ce projet pédagogique ainsi que l’univers musical de Jean Blanchard et de la cornemuse du Centre.

NMCL : Quelle est votre démarche pédagogique et musicale avec l’ensemble vielle-cornemuse ?
Philippe Destrem : C’est le fruit d’un travail mené depuis plusieurs années au sein du [Département des Musiques Traditionnelles du CNR de Limoges. Il regroupe une vingtaine de personnes et représente la moitié de l’effectif de mes classes de vielle et de cornemuses. C’est avant tout un outil de plaisir musical dans lequel se glisse un travail pédagogique important sur le son individuel et collectif, les dynamiques rythmiques et la précision mélodique. On y réalise un travail d’orchestre particulier : l’énergie de l’ensemble est portée par chaque interprète, les thèmes sont appris oralement et il n’y a pas de chef d’orchestre, les musiciens étant autonomes dans la gestion des enchaînements.
Cet ensemble développe ainsi une identité sonore originale et a la curiosité de croiser notre musique avec d’autres univers musicaux, comme en partageant un concert avec l’ensemble universitaire de Limoges (dir. J.-C. Gauthier). De même, en participant à la création musicale et chorégraphique « Zò », il a été amené à travailler avec l’Orchestre Départemental des Jeunes de la Corrèze (Championnats du Monde de Canoë-Kayak à Treignac) et dans le cadre de festivals avec des musiciens professionnels.

NMCL Que peut attendre l’ensemble vielles-cornemuses de ce travail avec Jean Blanchard ?
PD : C’est une personnalité importante dans le renouveau des musiques traditionnelles en Europe. De la « Bamboche » des années 80 au « Quintette de cornemuses » en passant par la « Grande Bande », il a effectué un travail considérable quant au renouveau et à l’utilisation aujourd’hui des cornemuses du Centre. Ainsi, il me paraissait important, en tant que pédagogue, de permettre à l’ensemble vielles-cornemuses de découvrir une autre façon d’apprendre en travaillant sur ses compositions. Dans cette Masterclass, ce sera l’occasion de comprendre comment il a su mener une création musicale en s’inspirant de sources, en se les réappropriant, tout en les développant à partir d’un imaginaire fort et d’une réflexion de lutherie très poussée.

NMCL : Comment caractérisez-vous la pratique de la cornemuse du Centre et son évolution ?
PD : Dans ce renouveau, les acteurs cherchent beaucoup, ce qui génère des musiques et des façons de faire variées et très intéressantes. Quand on développe quelque chose, c’est toujours au détriment d’autre chose : je pense, par exemple, à la modification des perces (et donc des timbres) qui était nécessaire pour faire jouer ces cornemuses ensembles et pour les associer à des instruments comme l’accordéon, etc… À mon sens, une musique d’orchestre fait que les jeux vont se modifier car l’ornementation doit être beaucoup plus contrôlée pour veiller à une grande clarté et homogénéité sonore. Quelquefois, on peut regretter de perdre certaines échelles originales, existant par exemple sur la chabrette limousine, la cabrette auvergnate ou le biniou kozh breton, etc…, où il y a une volonté de la part des musiciens et des luthiers de conserver ces caractéristiques. Sur ces instruments, où il est moins facile de faire de la musique d’orchestre, se sont développés des systèmes de jeux solistes fondés sur les variations et ornementations libres.
Ces deux savoir-faire de jeu d’ensemble et de soliste, ne sont pas incompatibles mais complémentaires. Il me semble que ce serait un petit peu sclérosant de n’enseigner qu’une seule de ces démarches. Il faut qu’il y ait les deux. Je le souhaite ardemment, car c’est un des éléments forts de ces musiques que de plonger l’interprète dans ce processus de réappropriation et d’invention (variations, ornementations, création de mélodies…). À ce propos, Jean Blanchard me paraît répondre particulièrement à ces critères de réflexion soliste/collectif, évolution de l’instrument, recherche sur la lutherie et le répertoire.

NMCL : Ce projet est réalisé notamment en partenariat avec le Centre Européen de Rencontres et le Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin. Pourquoi cette collaboration ?
PD : Même si la musique traditionnelle et la musique baroque peuvent paraître lointaines l’une de l’autre, l’histoire de leurs instruments est assez proche. La démarche musicale de Jean Blanchard est pleinement dans les mêmes optiques que celle des collectifs de musiciens appartenant au CER. Il s’agit, en effet, de faire une musique s’inspirant d’un patrimoine tout en développant une création musicale qui marie d’autres timbres et d’autres instruments et qui s’appuie sur un travail dépendant de la recherche en lutherie. Donc, cette complicité avec la facture instrumentale, qui est présente dans toutes les musiques et dans les mouvements de créations, est un des points communs qui nous rassemblent avec le CER et le CRMT en Limousin.

Propos recueillis par Dominique Meunier (CRMT) pour les Nouvelles Musicale en Limousin, n° 70, janvier-mars 2002.