La vielle-contrebasse
La Borie-en-Limousin – 17 octobre 2000
L’imagination du luthier, nécessaire à l’invention et à la réalisation d’un instrument de musique est très souvent intimement liée aux rêves et à la pensée musicale de (des) l’interprète (s). Soucieux de développer cette idée, Philippe Destrem et Jean-Michel Ponty, tous deux musiciens, luthiers, plasticiens, ont unis leur savoir pour la réalisation d’une vielle géante : instrument de musique original.
Construit selon les principes de fonctionnement des vielles « dites » traditionnelles : cordes frottées par une roue, claviers mélodiques, sons continus, cordes sympathiques, rythmiques par chevalets vibrants, cet instrument unique se distingue par sa grande taille (2 000 mm), et son jeu harmonique développé par deux musiciens actionnant simultanément 5 cordes mélodiques et 4 cordes rythmiques. La musique ainsi produite et les sons émis, allant d’un registre soprano à contrebasse permettront à l’auditeur une meilleure compréhension des caractéristiques mécaniques et sonores de la vielle à roue, de son évolution dans le temps et de certains principes de fabrication.
Caractéristiques de l’instrument :
Longueur : 2 m. Largeur : 0,50 m. Hauteur sur pieds : 1,10 m. – Production du son : entièrement acoustique. – Diapason des 9 cordes : longueurs vibrantes allant de 34,7 cm à 130 cm.
Frottement des cordes : roue en bois diamètre 30 cm. – Rotation assurée par un moteur électrique 220 v.
Deux musiciens servent simultanément l’instrument.
– Premier : clavier mélodique soprano/alto et polyrythmie à 4 sons (4 chevalets vibrants). –
– Deuxième : 3 claviers basse : 1 « violoncelle » et 2 « contrebasse » jeu harmonique d’accompagnement. – 11 cordes sympathiques.
Lutherie :
Principe des cordes frottées par un archet rotatif : la recherche quand au diapason et donc la longueur de corde très importante a nécessité de nombreux essais et une mise au point rigoureuse.
La partie esthétique de l’instrument devait associer une fonctionnalité exemplaire dans la production du son à des techniques de décorations contemporaines utilisant les teintures et placages de mamière à donner à l’objet une présence particulière, symbolique de son côté innovant.
La taille de l’objet le rapproche de la sculpture, il était important de lui donner une identité forte, une esthétique particulière.
Utilisation de techniques proches des techniques de l’ameublement contemporain pour un objet qui doit produire du son. Allier un souci esthétique actuel à une production acoustique du son.
Les recherches formelles ont été effectuée par ordinateur sur palette graphique.
Sur un plan musical, la tessiture de l’instrument est tout à fait nouvelle (plus de 5 octaves) et le caractère polyphonique dû aux trois claviers (alto -basse-contrebasse) associé au clavier soprano décuple les possibilités par rapport à une vielle traditionnelle.
Les possibilités de jeu sont enrichies, il est possible de puiser dans différents répertoires allant du traditionnel et classique à des musiques contemporaines.
Le principe de jeu de l’instrument à deux musiciens offre un rapport nouveau à la pratique instrumentale, ainsi que des possibilités pédagogiques intéressantes (l’élève et l’instructeur en «pilotant» en double l’instrument).
L’intéret suscité par l’instrument auprès de compositeurs et de chorégraphes induit des collaborations futures très passionnantes.
Jean-Michel Ponty
Nouvelles Musicales en Limousin, n° 65, octobre-décembre 2000.