« Folk à l’âme »

ou la seule revendication d’une ambiance

A l’occasion de la Saint-Patrick et à quelques jours de leur première partie du groupe “Tri Yann”, nous avons rencontré le groupe “Folk à l’âme”qui joue une musique »folk-rock-occitano-celtique », et qui après “Tempus Fugit” sort son deuxième album. Revendiquant une musique folk, formée de reprises d’airs traditionnels, de standards du folk et de compositions signées Christophe Bordas, folk à l’âme propose un voyage musical, hors de tout ancrage sociologique et géographique, juste pour l’évasion et sans la prétention dérégler ou de dénoncer les aléas de notre société. Discussion avec Christophe Bordas, Olivier Soulier et Jeun-Luc Gildore.

NML : Comment choisissez-vous les reprises que vous faites et quelles sont vos influences ?
Olivier soulier : On n’a pas tous les mêmes. Je suis personnellement plus influencé par la musique irlandaise, écossaise, celtique en général, tandis que Christophe est davantage tourné vers la musique limousine, et Jean-Luc vers le Heavy metal. Stéphane lui c’est vraiment le côté folk et folklore limousin, et Nathalie écoute de tout sans distinction précise. Comme on a tous des influences très diverses, on espère que ça se sent dans notre musique. Nos influences, ce sont “Malicorne”, “TriYann”, ensuite on va individuellement citer des dizaines de références propres à chacun. On ne s’inspire pas d’un groupe, mais d’un titre qu’il joue. Quand on joue un morceau de “Gwendal”, ça ne sonne pas comme “Gwendal” parce qu’on n’est pas“Gwendal”, parce qu’on n’a pas les mêmes aspirations musicales et qu’on ne joue pas comme eux. On essaye surtout de faire quelque chose de »folk et populaire ».
Jean-Luc Gildore : Il y a aussi des reprises de titres puisés dans le patrimoine, soit le patrimoine de Centre-France, soit celui de Bretagne, voire de plus loin, ce qu’on prend plaisir à écouter.
O. S : On privilégie le répertoire chanté, pour profiter de nos voix, on essaie de mettre l’accent au maximum sur des chansons, sur la polyphonie parce que le public accroche beaucoup plus quand il y a des chansons.

NML : Pour les chansons , c’est Christophe qui compose ?
Christophe Bordas : Oui, quand on a commencé, on chantait de la chanson française, mes chansons à moi. On était très loin du folk, et donc on a gardé l’habitude que j’écrive des chansons et des musiques mais on est trois à composer les musiques : Olivier, Jean-Luc et moi-même.

NML : Comment décrivez-vous vos influences et vos registres dans l’écriture ?
Ch. B: Mon registre dans l’écriture vient de ce que j’ai toujours entendu. J’ai de la famille normande, avec des origines bretonnes, et j’ai toujours entendu mes oncles chanter “Tri Yann” tout en étant amoureux de chanson française et de Brassens. Le seul plaisir de l’écriture, il vient de là, de la chanson française et de la musique folk. J’ai toujours fait du folklore donc j’ai baigné là-dedans.

NML : Ce qui veut dire que vous ne pourriez pas écrire et chanter des chansons qui traitent des problèmes actuels ?
Ch. B : Difficilement dans l’esprit Folk à l’âme, on tomberait tout de suite dans le côté plus rock.
JL. G : Ce type de sujets, on peut les aborder plus facilement dans les discussions entre deux morceaux que sur un titre. La base de la musique c’est quand même le rêve, et ça me fatigue un peu de parler sans arrêt de la merde qui est autour de nous, alors si en plus il faut la jouer…
Ch. B : Quand on a commencé, on chantait les soldats,l’armée, on était antimilitariste, on avait l’âge. Et ce n’est pas parce qu’on ne le chante plus qu’on n’y pense plus, on le fait différemment.
O. S : On a peut-être dit dans un concert que ça nous emmerdait d’être assimilé au Front National parce que la veille, le1er mai, il y avait dix mecs qui défilaient en kilt, en jouant de la cornemuse pour ouvrir la marche à Le Pen, et que ça faisait des amalgames un peu rapide.

NML : Et vous n’avez pas envie d’ écrire une chanson là-dessus par exemple ?
Ch. B : Gilles Servat l’a fait, il se bat en ce moment pour conserver « La blanche Hermine », et c’est son combat.
JL. G : Les combats à travers la musique, ça n’a jamais porté grand fruit. Une chanson quelle que soit la revendication qui est dedans, elle se périme très vite.
O. S : Je suis pas tout à fait d’accord, il y a quand même des chansons revendicatives qui sont un peu intemporelles. L’injustice de la société, elle était déjà chantée dans la chanson traditionnelle : les mots, les expressions et les personnages ne sont pas les mêmes, mais le fond du problème reste le même. Une chanson comme « Alouzeta » qui est sur notre nouveau disque, c’est une chanson qui parle d’injustice, ces choses ressortent quand même mais on ne fait pas une chanson en se disant, on va avoir un message à transmettre.
Ch. B: C’est peut-être un besoin qu’on ne ressent pas,on fait de la musique pour le plaisir. Je n’ai pas envie de chanter le chômage par exemple. Cela dit, à travers une chanson de corporation où le métier était dur, et où il y avait des difficultés à travailler, je crois que le message passe quand même.

NML : Alors qu’est-ce qui se dit dans les chansons de “Folk à l’âme” ?
C. B : Ce sont des histoires, des légendes, des contes voire des comptines, de petits flashes sur des sujets pour transporter les gens ailleurs.
JL. G : La voix est un instrument à part entière, le texte supporte la mélodie du chant, il apporte sa rondeur, sa chaleur et en même temps il amène les gens à voir des paysages, des couleurs, à faire un petit rêve pendant cinq minutes.
O. S: Dans certaines chansons, plus dans les airs traditionnels que dans les compositions, la voix est un instrument rythmique, comme dans la musique bretonne.

NML : Dans ce deuxième album, vous reprenez plus de chansons en occitan, c’est une réelle volonté ?
JL. G : L’occitan est une langue qu’on trouve jolie, on a rencontré Bernart Combi qui la parle très bien et qui nous a fait découvrir des sonorités qu’on ne peut pas trouver dans la langue française et avoir Bernart Combi qui vient dire un texte en occitan, c’est magnifique…

NML : Et quels sont les différences entre votre premier album “Temps Fugit »  » et ce nouvel album ?
O. S : Je pense qu’il est plus abouti musicalement dans le sens où les morceaux sont plus creusés que le premier, il est aussi beaucoup plus chanté.
JL. G : D’un autre côté, les morceaux sont plus frais et spontanés parce que les morceaux du premier album on les jouait depuis très longtemps sur scène.
O. S : Là on a vraiment des morceaux originaux, qu’on a composé pour le disque, qu’on a même fini de mettre au point en studio.

NML : Quel est le public de “Folk à l’âme” ?
O. S : L’avantage qu’on a, c’est qu’on est trop rock pour plaire aux puristes du trad-folk et trop folk pour plaire aux puristes du rock. On a l’avantage de bien passer partout, avec un public qui n’est pas spécifié. C’est important pour nous, parce que quelqu’un qui écoute de tout est capable de sentir toutes nos influences.

NML : Dans le paysage musical limousin, vous êtes relativement isolés ? Comment le vivez- vous ?
O. S : Pas très bien parce qu’on a des points de comparaison avec des groupes de rock, et d’autres avec des gens qui font de la musique traditionnelle très pure et très bien, mais on n’a personne à qui se frotter vraiment, ce qui nous ferait peut-être bouger davantage.

NML : Vous avez une influence celte très présente, vous ne ressentez pas l’envoie ou le besoin de vous resserrer sur une aire culturelle ?
O. S: Si on devait se resserrer sur une aire, on se séparerait parce qu’on ne serait pas d’accord sur le choix, et qu’on n’aurait pas de légitimité.
Ch. B: On n’a rien à démontrer, on ne veut pas d’étiquettes, à part peut-être celle de « Meilleur groupe de Chameyrat »

Propos recueillis par Ricet Gallet (CRMTL) pour les Nouvelles Musicales en Limousin, n° 59, mai-juin 1999.