A l’occasion de la sortie du CD sur les Maçons de la Creuse (« S’en sont trois bons maçons de leur pays s’en vont » – Chants et musiques de l’imaginaire creusois, Modal Plein Jeu, Réf. : MPJ 111015.
En vente au CRMT en Limousin – 4 avenue Jean Vinatier – 19700 SEILHAC. Tél. 05 55 27 93 48. E-Mail : crmtl@wanadoo.fr.), les Nouvelles Musicales en Limousin s’entretiennent avec Frédéric Pouget sur son expérience d’arrangement et d’orchestration qu’il a réalisée dans cet enregistrement.
Cet album a permis la rencontre de dix-huit musiciens de milieux musicaux différents : des chanteurs et musiciens traditionnels du Limousin, le groupe réunionnais- -creusois FAHAM et des artistes des musiques improvisés.
Qu’est ce qui vous a motivé à réaliser les arrangements des chansons du CD des maçons de la Creuse ?
Le CRMT m’a contacté pour me demander si je pouvais faire ce genre de travail. Ça m’a intéressé car ça faisait longtemps que j’étais parti du Limousin et ça me permettait d’y revenir. C’est une région que j’aime, je suis de là et j’ai toutes mes racines ici. Par ailleurs, c’était motivant de donner une continuité harmonique à tous ces morceaux et d’apporter un autre point de vue sur ces musiques, de donner un autre éclairage à ces mélodies par l’harmonie, par le travail d’improvisation et par les couleurs timbrales et harmoniques. En plus il y avait un thème qui était très fort : celui des maçons de la Creuse avec toutes les chansons qui tournent autour. C’était un travail très intéressant à la base.
Comment procédez-vous dans la construction des arrangements ?
Je ne le sais pas exactement, mais globalement, je prends une mélodie, je cherche une couleur harmonique appropriée, puis je me sers de l’harmonie pour faire des contre-chants, varier sans trop varier non plus. Il y a ensuite un travail orchestral qui est léger dans le cas de cet album-là parce qu’on aurait pu charger encore plus mais ce n’était pas le but. En fait ce qui me prend le plus de temps c’est la recherche de la couleur harmonique que je veux donner au morceaux. Une fois que j’en suis sûr, après tout va très vite.
Comment s’est fait l’orchestration, le choix des instruments.
Dans le choix de la formation assurant le fond harmonique et rythmique, j’avais besoin d’entendre une contrebasse en plus de la batterie. Je voulais aussi un accordéoniste chromatique parce que c’est plus pratique que l’accordéon diatonique pour donner l’harmonie que j’écris. J’ai complété cette assise avec la trompette et la clarinette. Cela donne une couleur vraiment intéressante qui se mélange très bien aux instruments traditionnels comme la vielle par exemple ou le diatonique.
Rencontrez-vous des contraintes spécifiques dans l’écriture d’arrangements pour des musiques traditionnelles ?
Il y avait des contraintes par rapport à des thèmes chantés très librement. Certains de ces arrangements préservent cette liberté en soutenant par exemple la mélodie uniquement par un bourdon, ou quand le thème musical est dans la même tonalité et dans les mêmes accords. On peut alors jouer ça de toutes les manières, ça sonne toujours. C’est la cas de la chanson « A la poncha d’un suqueton » chantée par Bernard Comby que j’ai pensée comme ça pour lui. Mais par exemple pour la chanson, « S’en sont trois bons maçons » chantée par Félicie Verbruggen, j’ai éliminé cette contrainte, pour donner à la chanson un côté balade, jazz, pour pouvoir la traiter harmoniquement et faire des contre-chants. Mais tout cela s’aménage au fil des répétitions car les gens apportent d’autres choses aussi. On est alors amené à changer son point de vue. Les arrangements sont tous pensés, mais il faut être très souple, parce que l’on travaille avec des gens.
On ressent à l’écoute de cet enregistrement une réelle fusion et une mise en valeur de chacun alors que les musiciens sont issus d’horizons différents et qu’ils n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble. Comment s’est passé cette rencontre ?
Ça s’est bien passé. J’en connaissais certains et ceux que je ne connaissais pas, on s’est rencontré. Cela s’est fait très simplement, il fallait aller assez vite, donc on ne s’est pas trop poser de questions. J’ai essayé de jauger rapidement comment les gens pouvaient s’intégrer ou intégrer rapidement ce que j’avais écrit. Ils ont été tous de très bonne volonté, il ont vraiment fait du mieux qu’ils pouvaient, ça c’est super. Il n’y a rien à dire.
Quelle expérience retirez-vous de ce projet.
Si je refais une expérience comme ça, ça sera avec beaucoup plus de temps, pour savoir vraiment ce dont les musiciens ont envie, s’ils sont en phase avec ce que j’écris, pour voir comment ça sonne et aller plus au fond des choses. On a abordé rapidement avec certains un travail d’improvisation. On aurait pu, avec plus de temps, l’aborder plus en profondeur. Je sens qu’il y a des bons musiciens traditionnels dans l’équipe capables de faire une improvisation sans se poser trop de questions et de la faire bien en plus. C’était un peu concentré comme histoire, mais bon, ça s’est fait, la preuve!
Quels sont vos projets musicaux dans un futur proche ?
Je prépare un duo avec Bernard Comby autour de ses textes, de ses poésies, de ses chansons et de son répertoire traditionnel. C’est le début, on ne sait pas encore exactement ce que ça va donner. On va essayer de réaliser un enregistrement-démo. On présentera ce duo en avant première le 23 janvier 2001 au Théâtre des sept collines à Tulle en première partie du Quartette de Ramon Lopez.
Propos recueillis par Dominique Meunier (CRMTL) pour les Nouvelles Musicales en Limousin, n° 65, octobre-décembre 2000.