Création d’une symphonie « Faham »

Création d’une Symphonie de Bernard Carloséma par l’Orchestre Symphonique Régional du Limousin

“Faham” est une commande de Guy Condette pour l’Orchestre Symphonique Régional du Limousin.
Le chef et l’orchestre affirment ainsi leur volonté de diffuser la musique de notre temps et, chaque année, engagent la création d’une oeuvre d’un compositeur résidant dans la région Limousin.

Faham est le nom d’une orchidée sauvage qui pousse exclusivement dans l’Ile de la Réunion. Ce titre rend hommage à la fois à une nature primitive et à la culture traditionnelle des Mascareignes. La beauté de cette île est due, en grande partie, à l’extraordinaire végétation qui s’y développe et à l’harmonieuse diversité de ses paysages : les forêts de tamarins, les fougères arborescentes, les vacoas, les goyaviers, les filaos, les lamboyants… nous invitent à la méditation. Les plantes sont multiples et précieuses. Le géranium et le vétiver serviront à la confection des parfums rares les orchidées (la vanille et le faham) agrémenteront de manière noble la cuisine réunionnaise la canne à sucre en étant la Pierre d’Angle.

L’île, dans sa grande richesse, est constituée principalement de deux volcans : le Piton des Neiges, éteint, qui a enfanté les cirques et l’actif Piton de la Fournaise. Les climats y sont divers, l’eau est omniprésente : l’île est née dans l’Océan Indien et l’eau de pluie ruisselle dans les cascades et les ravines, ce qui nous invite à sublimer les Quatre Eléments.

La munificente nature influe la vie quotidienne, source de l’instrumentation dans la musique traditionnelle le Maloya. A l’origine, le Maloya est
né de la volonté et du désir des esclaves travaillant dans les plantations de canne à sucre, de raconter les événements quotidiens de leur dure vie et de communiquer entre eux, à l’abri des oreilles de leurs maîtres. Progressivement, le Maloya est devenu le mode d’expression traditionnel chanté et dansé des habitants des Mascareignes.

Le Maloya est un art populaire et les instruments qui l’accompagnent sont utilisés en partie dans ma 1ère Symphonie (Bâtons de Pluie, Claves, Blocks
Chinois, Bobre, Roulèr, etc…). Les Bâtons de Pluie évoquent le ressac ou les cascades (ainsi que le Kayamb), les Claves (ou Ti-Bois) jalonnent l’idée du temps, la harpe est utilisée comme une Bobre ; le Rouler, quant à lui, s’empare des lames de fond de l’Océan Indien.

A partir de ce riche potentiel culturel et musical, il apparaissait intéressant, d’une part, de revisiter la forme idiomatique de la symphonie, la proposition en un mouvement telle qu’on la pratiquait au XVIIème siècle semble conforter l’unicité du Maloya qui, dans son essence, révèle un prélude, une histoire et son développement, un poslude et, d’autre part, de contrapuncter les cultures africaines, orientales, européennes et de tenter souplement l’alchimie de la tolérance.

La nécessité de créer représente un besoin solitaire, secret et vital. La concrétisation de la pensée appartient à celui qui la crée ainsi qu’à elui qui accepte de l’écouter. De l’océan ou du volcan, l’éruption oeuvre entre le mouvement et la contemplation, le tangible et le cosmos, la conscience et l’incertitude, et le volcan toujours prolonge la terre fertile dans l’océan.

Bernard Carloséma.

Nouvelles Musicales et Chorégraphiques du Limousin, n°52, janvier-février 1998.