Claude Javelaud et le groupe « Bayou Teche »

Claude Javelaud musicien du groupe Bayou Teche

Afin de mieux connaître la musique cajun qu’il pratique depuis de plusieurs années, nous avons rencontré Claude Javelaud, musicien des groupes de musique traditionnelle limousine Chantelèbre et Roule et Ferme Derrière, mais aussi leader du groupe de musique Cajun Bayou Teche. Histoire de faire le point de cette musique d’outre-atlantique, cousine de la musique traditionnelle du Limousin et dont le succès est
croissant en France.

NML : Dites-nous comment vous êtes arrivé à la Musique en général et au Cajun en particulier.
Claude JAVELAUD : J’ai commencé par la musique folk en général, je fais partie de ces gens qui ont découvert la musique traditionnelle dans les années soixante-dix. Je suis passé de l’harmonica à l’accordéon diatonique à 2 rangées, mon premier Hohner, le Hohner 4995 et puis j’ai fait les festivals, un petit peu comme tout le monde. Petit à petit je me suis intéressé à la musique limousine et au folk à la remorque de tous ces groupes mythiques : la Bamboche, le Grand Rouge, Mélusine etc. Il y a 25 ans environ, j’ai fait la connaissance de Guy Rousseau qui était en avance sur beaucoup de gens en ce qui concerne la musique Cajun et on a commencé à échanger des disques. Je suis alors passé du diatonique 2 rangées au
mélodéon, qui est aussi un accordéon diatonique bisonore, mais qui n’a qu’une rangée de dix boutons à main droite et deux basses. Sa particularité, c’est qu’il a quatre voix, quand on joue une note, il y a quatre lamelles qui se mettent en vibration, ce qui lui donne un timbre très particulier renforcé par un accord spécial non tempéré. J’ai donc acheté un petit mélodéon Hohner et puis on a commencé à faire de la musique avec Guy Rousseau au chant et à la guitare, et Claude Lenoble et Dominique Grand au violon. On s’appelait à l’époque le Gepetto Sordido Gruppo. Il y a eu un deuxième
départ dans la musique Cajun avec l’arrivée lors du Festival des Francophonies de Limoges en 1989 des Frères Michot. Là, on a vu les vrais
Cajuns débarquer, et on les a rencontrés. Il y a eu une amitié qui s’est créée avec Bobby Michot, qui est resté 3 ans en France de 1989 à
1992. Il s’est intéressé à nous, on s’est appréciés, et on a fait quelques petites sorties avec Bobby Michot, sous le nom du Grand
Roulaille Spécial, qui date donc de 1991. Bobby Michaud, c’était une véritable locomotive ; on avait sous la main un gars de Louisiane qui
nous appris vraiment beaucoup de choses. Et puis les activités du Grand Roulaille Spécial se sont un peu espacées et j’ai eu envie de faire de
la musique Caju, avec des amis du département de Musique Traditionnelle du CNR de Limoges et on a formé un groupe qui s’appelle Bayou Teche.

NML : Comment peut-on caractériser la musique que vous jouez
CL: On appelle ça plutôt « vieille manière » même s’il faut se méfier du terme. Nous ce qu’on appelle « vieille manière » c’est la musique des années 1940-50-GO. En fait ça se détermine surtout par rapport aux instruments utilisés et au son. On entend par « vieille manière » les petits orchestres traditionnels non électrifiés, cette musique de bal.

NML : Et Bayou Teche est composé comment ?
CL: A Bayou Teche, on a donc le mélodéon, trois violons avec Michel Renault, Charlie Deléron et Isabelle Grebaux, et on chante en Cajun français. Pour la rythmique, on a la guitare de Gilbert Magoutier et le « tit fer », ou triangle, et le frottoir qui est la planche à laver avec des cannelures qui s’utilise avec des cuillères ou bien des dés à coudre et que joue Nicole Javelaud. C’est l’orchestre traditionnel qui s’est mis en place dans les années 1940-50, même s’il y a surtout eu un renouveau du miel odéon dans les années 50.

NML : Comment ça se passe, il y a un instrument soliste accompagné, un soliste qui tourne ?
CL: En principe, c’est le mélodéon qui mène, qui présente le thème du morceau et ce mélodéon fait ce qu’on appelle un « petit tour », une espèce de petit pont avec une reprise à la tierce. Ensuite le chanteur raconte l’histoire, des amours malheureuses, des faits quotidiens, etc.
Pendant ce temps les violons accompagnent, on dit en Louisiane ils « segonnent ». Le segonneur, c’est l’instrumentiste qui fait une espèce de
pompe derrière. Segonner c’est un terme Cajun pour dire qu’on est en second, qu’on est à l’arrière plan. Quand le mélodéon a fini ses deux
présentations de partie, là c’est la partie soliste violon. A Bayou Teche, les trois violons se partagent le travail, en général, c’est Michel
Renault qui est soliste. Charlie Deléron est donc segonneur. ll fait des espèces d’effet de seconde répertoriés et annotes en français voix à peu près sur le même registre que Michel, et Isabelle Grebaux reste dans les graves. En général, dans la tradition, on a deux violons, un violon leader et un violon segonneur. A ce moment le mélodéon reprend le ‘petit tour », et on chante le deuxième couplet et c’est toujours comme ça.

NML Au niveau du répertoire, en temps que leader du groupe, comment se passe l’apprentissage, où-est ce que vous trouvez le répertoire

CL : En fait on prend notre répertoire sur des disques, par exemple chez les frères Balfa, ou chez Canray Fontenot. Donc en principe, pour la majorité des airs, je les propose au mélodéon, je les enregistre, et quand on répète, on présente le morceau et on essaie de le mettre au point, de le faire rouler.
Il y a aussi quelques chansons, quelques manières de faire que m’a appris Bobby Michot.

NML : Qu’est-ce qui, à votre avis, fait le succès de la musique Cajun
CL : Je crois que c’est le nombre d’influences qui entrent en ligne de compte, c’est une musique qui sonne français par la langue, ce vieux français du parler rural du XVllème siècle. On y retrouve des racines, un fond commun. Petit à petit elle a subi tellement d’influences qui fait que ce qui est intéressant, c’est ce français exotique, ces danses mazurkas, valses, polkas, qui ont traversé l’océan et du coup quand on joue de la musique Cajun en Limousin, ça rappelle des choses. Et en même temps, il y a l’influence de la musique country. Les gens disent « tiens, c’est de la musique de cow-boy que vous faites ». Ce n’est pas de la musique de cow-boy mais ça rappelle quand même, ne serait-ce que par les instruments. Il y a du
blues aussi puisque les communautés Cajuns ont fusionné avec les communautés noires créoles. Je crois qu’il y a tout ça la langue, l’influence country, celle des Noirs, du jazz Nouvelle-Orléans, de la musique irlandaise et le rock.

NML : Qu’est-ce qui, à votre avis, fait le succès de la musique Cajun
CL : Je crois que c’est le nombre d’influences qui entrent en ligne de compte, c’est une musique qui sonne français par la langue, ce vieux français du parler rural du XVllème siècle. On y retrouve des racines, un fond commun. Petit à petit elle a subi tellement d’influences qui fait que ce qui est intéressant, c’est ce français exotique, ces danses mazurkas, valses, polkas, qui ont traversé l’océan et du coup quand on joue de la musique Cajun en Limousin, ça rappelle des choses.

Contact Claude Javelaud – tel. 05.55.05.98.96

Propos recueillis par Ricet Gallet (CRMTL) pour les Nouvelles Musicales et Chorégraphiques du Limousin, n° 57, janvier-février 1999.