Enregistrements 1974-1991
Ce disque de collectage est constitué d’extraits d’enquêtes menées par Alain Ribardière, Olivier Durif, Eric Montbel, Christian Oller, Jean Blanchard, André Ricros, Jean-Jacques Le Creurer et Françoise Etay. Il présente quelques grands musiciens du Limousin tels Léon Peyrat, Julien Chastagnol, Louis Jarraud, Martial Ceppe et bien d’autres, sur des répertoires chantés en occitan.
Label | Référence | Année | Support | Prix unitaire |
CRMTL | CRMT003 | 2000 | CD | 16,00 € – ÉPUISÉ |
Sommaire
Liste de lecture
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Texte du livret du CD « Chanteurs et musiciens en Limousin – Enregistrements 1974-1991 » (version française)
Plages du CD
- 1 AMUSONS-NOUS FILLETTES, LA CHABRA ES BRUNA, ANAM Z’ESCODRE, bourrée, chant : Marie Marinie (1977)
- 2 LAS POMAS, LAS PERAS, chant : Marie Marinie (1977)
- 3 LE CHAPEAU À TROIS COULEURS, chant : Julia Marinie (1975)
- 4 TRES ENFANTS D’EN BRETANHAT, réveillez, chant : Julia Marinie (1975)
- 5 BARRADA EN CLAU, sautière, accordéon diatonique : Auguste Montezin (1978)
- 6 LAS TRISTAS NOÇAS, chant : Gabriel Brégère (1980)
- 7 LA PARISIENNE, bourrée, accordéon diatonique : Auguste Montezin (1978)
- 8 RÉCITONS L’A VENTURE D’UN JEUNE ECOLIER, chant : Gabriel Brégère (1980)
- 9 BOURRÉE DE LACHAUD, bourrée, violon : Julien Chastagnol (1975)
- 10 LA BELLE ÉPICIÈRE, valse, violon : Julien Chastagnol (1975)
- 11 DESSUS LA ROTA DEL LONZAC, chant : Léon Peyrat (1979)
- 12 BOURRÉE DE JUILLE, bourrée, violon : Léon Peyrat (1978)
- 13 DANSON TANT BIAN LOS DE DELAI L’AIGA, bourrée, violon & chant : Martial Ceppe (1979)
- 14 LAS DROLLAS D’A BRELA-BRELON ! bourrée, violon: François Roussel (1979)
- 15 BELA FRANÇON, chant : Léonard Frachet (1976)
- 16 MAZURKA DU PAI TIRO, mazurka, chabrette: Camillou Gavinet (1978)
- 17 UNE JEUNE FILLE ET UN JEUNE GARCON ALLANT DE LILLE EN FLANDRES, chant : Léonard Frachet (1976)
- 18 REVELHATZ-VOS PASTOURAUS, chant de Noël, chabrette: Louis Jarraud (1978)
- 19 LA FEMME ET LE CAPUCIN, chant : Henri Roulant (1977)
- 20 BOURRÉE-VALSE, accordéon diatonique : Firmin Le gras (1986)
- 21 QUAND PIERRISSON S’ES LEV AT, chant : Pierre Mondoly (1989)
- 22 L’AME ENTENDIT, mélodie, chabrette : Louis Jarraud (1978)
- 23 OH C’EST LA FILLE D’UN BOULANGER, chant : Pierre Mondoly (1988)
- 24 VALSE, accordéon diatonique : Firmin Legras (1986)
- 25 CHANSON DES COMPAGNONS, chant : Henri Roulant (1976)
- 26 LA CARRADA, bourrée, accordéon chromatique : Gabriel Bréchard (1985)
- 27 A CHAMBERET, PETIT FAUBOURG, chant : René Mondoly (1991)
- 28 POUR ALLER VOIR VIRGINIE, chant : René Mondoly (1989)
- 29 MAZURKA, accordéon diatonique : Henri Chevalier (1976)
- 30 SOS LE PONT D’ORLÉANS, chant : Henri Chevalier (1976)
- 31 SCOTTISH, violon : Alfred Gasne (1982)
- 32 DEDANS LE BOIS, chant : Henriette Serbier (1991)
- 33 PARA LO LOP, LA BOURRÉE D’AUVERGNE, bourrées, vielle à roue : Joseph Ducros (1977)
- 34 BOURREE, vielle à roue : Joseph Ducros (1977)
- 35 LES PRUNES, chant : Maurice Bidaud (1990)
- 36 LE PÈRE COUNAUD, vielle à roue : Eugène Thomas (1974)
- 37 VALSE, violon : Arsène Courty (1983)
- 38 VALSE À JACQUES, valse, vielle à roue : Eugène Thomas (1974)
- 39 POLKA PIQUÉE, harmonica : Lucien Chaput (1985)
- 40 MAZURKA, harmonica : Lucien Chaput (1985)
- 41 SCOTTISH, accordéon diatonique : Arsène Courty (1983)
Enquêtes
1. 2. : Alain et Anne-Marie RIBARDIERE – 3. 4. 5. : Olivier DURIF, Eric MONTBEL, Christian OLLER – 6. 8. : Lo Chavilhier : Francis CHAMINADE, Jean et Papy DUPETITMAGNIEUX – 9. 10. : Jean BLANCHARD – 11. : Olivier DURIF – 12. : Jean-Pierre CHAMPEVAL, Olivier DURJF, Christian OLLER – 13. 14. : Olivier DURIF, André RICROS – 15. 17. : Eric MONTBEL, Sylvestre DUCAROY – 16. 18. 22. : Éric MONTBEL – 19, 25. : Christian OLLER, Éric MONTBEL, Pierre IMBERT – 20. 24. 26. 31. 39. 40. : Jean-Jacques LE CREURER – 21. 23. 27. 28. 32. 35. : Françoise ETAY – 29. 30. : Alain RIBARDIERE, Pierre BOULANGER – 33. 34. : Jean-Jacques LE CREURER. Yves TRENTALAUD – 36.38: Alain RIBARDIERE – 41 : Claude AUBRUN.
Chanteurs et musiciens de tradition en Limousin
«… Le jour de la vote[1], bien avant dans la soirée, on entend encore les violons de la danse et les chants des jeunes campagnards… » rapporte l’ethnographe Victor Forot en 1911 dans sa monographie corrézienne[2] d’une bourgade proche de Tulle. Danser, jouer, chanter… danses de plein air, airs de plein vent et de plain-chant…, ces musiques – devenues traditionnelles – semblent avoir disparu du paysage limousin de 1995. Pourtant, elles ont encore probablement leur place – mythique – dans le cœur et dans la mémoire de beaucoup de Limousins. Expression autarcique du bonheur d’être entre soi, cher aux habitants de ce pays, ces musiques se sont maintenues jusqu’à aujourd’hui au gré de l’intimité de fêtes familiales, d’occasions de musiques villageoises, de méchoui des anciens d’Algérie (!), d’artisans chantant sur les chantiers, d’accordéons diatoniques ou chromatiques actionnés avec passion, dérivant au fil de leur anachronique présence, fondues dans le paysage, ressenties par tous et revendiquées par personne… Au seuil des années 1970, le Limousin, encore largement empreint de cette ruralité qui lui colle à la peau, cherche, comme toute la campagne française de l’époque, à se débarrasser de ce décorum encombrant face à la modernité urbaine conquérante de la France de ces années gaulliennes. C’est le moment que choisissent, dans une démarche convergente mais non concertée, des groupes de chercheurs, collecteurs et musiciens parfois extérieurs à la région, pour partir en Limousin « à la recherche du folklore disparu » …’A leur grande surprise, ils découvrent sur le pays tout un ensemble de pratiques sociales, économiques et culturelles dévolues, par certains auteurs, au Limousin d’avant la première guerre mondiale (foires, travaux agricoles communautaires et peu mécanisés, rites processionnels, etc…) qui semblent encore en place ou éteintes dans un passé beaucoup plus récent que supposé : les musiques et les musiciens en sont l’ornement déclinant mais encore présents partout, partout rabaissées au rang de sous-musique, partout ravalés au statut de mauvais musiciens quand ils sont l’expression ultime d’une tradition musicale riche – autant qu’on puisse le savoir – de deux siècles de pratiques intenses et passionnées.
Armés de sourire, avec pour toute richesse des magnétophones flambants neufs et des véhicules qui l’étaient beaucoup moins, ces chercheurs-collecteurs s’enfoncent sur les petites routes entre les bois, sur des chemins perdus aux confins des dernières bruyères. Ici, ils atterrissent dans des cours de fermes imprévues où s’ébattent paisiblement, hommes, femmes, poules, cochons, moutons et autre basse-cour limousine ; là, ils débarquent, vaguement incongrus, dans l’arrière-fond de cafés sans enseigne où des hommes sans âge jouent aux cartes et leur répondent sans se détourner du jeu, là encore, c’est dans l’étable attenant la maison où l’on est en train de vêler une vache qu’ils débouchent, enfin, on les retrouve devant la porte close, à quatre heures de l’après-midi, de la maison d’un vieil homme déjà couché en ce soir d’hiver. Les arrivants sommés de décliner leur identité autant que la bonne intelligence de leurs motivations. le plus souvent instruments de musique à l’appui, c’est le début de rencontres épiques, mi-cocasses mi-dramatiques, mais chaleureuses toujours, entre chanteurs, chanteuses, musiciens, collecteurs et collectés. Ce sont de ces après-midi estivales, entre fenaison et moisson, passées sous le tilleul de la maison où tout le village défile ; ce sont de froides soirées d’automne dans le coin d’un cantou[3] où sèchent des jambons, à évoquer ce temps présumément passé « mais finalement à la réflexion…, voui, maintenant que vous le dites… ! », à repasser ces chansons vieilles, vieilles… « elles ont au moins deux mille ans : elles datent de Napoléon ! », à écouter dissener longuement sur ce musicien d’autrefois. « Ah, qu’il jouait bien, l’animal ! » pour finir par découvrir, incidemment, à force de détails à son sujet, qu’en fait il habite toujours la maison d’à côté « Tiens, le voilà qui passe dans la route… !». Fracture du temps qu’elles partagent, horizon imaginaire de l’espace dans lequel elles s’épanchent, intimité de l’expression dans laquelle elles se fondent, ces musiques ne renvoient pas à un passé simple ou à un présent obligatoire car leur pratique singulière échappe à l’acception de modernité ou d’archaïsme qui les classeraient commodément. Aussi les découvertes musicales qui seront enregistrées à partir de cette époque par ces chercheurs et qu’on retrouvera dans ce disque veulent témoigner de cette richesse, de la vitalité et de la passion rares des musiciens rencontrés, elles parlent pour leur temps – bien autant que d’on ne sait de quel passé révolu – de l’originalité des musiques populaires du Limousin.
Olivier DURIF
Musicien, chercheur depuis une vingtaine d’années en Limousin. A accompli de nombreuses recherches sur la tradition de violon populaire en Corrèze où il est aujourd’hui établi. Actuellement responsable du Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin.
[1] La fête votive.
[2] Victor Forot « Monographie de la commune de Naves », 1911, manuscrit A.D. de la Corrèze.
[3] Grande cheminée propre aux maisons traditionnelles.
Passage de témoins…
L’an 2000 approche. Voilà près d’un siècle et demi que des vagues successives de Cassandre annoncent la disparition imminente des derniers vestiges de culture traditionnelle en France rurale. Ignorant superbement les prophéties, des irréductibles tiennent pourtant encore bon. Ce sont les chanteurs qui, à côté du répertoire qu’ils se sont constitué par l’intermédiaire de la radio ou du disque, gardent une place privilégiée aux chan sons anciennes héritées de leurs parents, cousins ou voisins. Ce sont aussi les danseurs, qui, au milieu du bal musette ou du “thé dansant” se regroupent par quatre pour exécuter, avec concentration et vigueur, malgré la pression des valseurs qui les encerclent, la bourrée qu’a lancée l’orchestre. Quadrettes tantôt mixtes, tantôt exclusivement masculines, elles n’évoluent le plus souvent que sur une seule figure, variable selon les lieux. Le rapport à la musique y est à la fois, pour le pas, d’une précision extrême permettant toutes les fantaisies rythmiques et, pour la figure, d’une étonnante é las ti cité, ce dernier trait étant, jusqu’à présent, fréquemment absent des bals « revivalistes » et totalement étranger aux prestations folkloriques. Pour chacun, chanteur ou danseur traditionnel, c’est bien le goût, fondé sur des critères esthétiques, qui motive les choix, pas la nostalgie, et encore moins le sentiment identitaire qui, s’il est parfois vif en Limousin, se fixe plutôt sur d’autres objets. Malgré cet attachement, la mémoire collective a cependant bien mal résisté aux bouleversements du XXe siècle. Les enregistrements sonores et les films réalisés depuis une vingtaine d’années suppléeront, bien sûr, en partie, ses défaillances. Mais ils font plus encore : ils permettront l’analyse des documents. Dans le domaine du chant, en particulier, ils sont irremplaçables el prouvent que, si certaines interprétations peuvent sans trop de dommages se plier aux lois de la notation musicale classique occidentale, d’autres, utilisant des gammes à degrés mobiles ou des rythmes dont la logique n’est pas celle de nos mesures, ne se prêtent que très difficilement à la transcription. Et, dans bien des cas, ils montrent que la mélodie des chansons, se renouvelant plaisamment d’un couplet à l’autre, ne peut pas honnêtement se résumer à quelques portées données en tête de page. La publication et la diffusion des collectes enregistrées et filmées devraient maintenant offrir aux nouveaux amateurs de musique et danse traditionnelle la possibilité stimulante de découvrir et d’exploiter la grande richesse et diversité des styles, la subtilité des variations et la plasticité des formes d’un patrimoine oral qui s’est transmis implicitement, par imprégnation, pendant des générations, et qui est si méconnu à présent.
Françoise ETAY
Musicienne, chercheur spécialiste du violon el de la danse populaires en Limousin. Etablie en Haute- Vienne, elle est actuellement chef du Département des Musiques Traditionnelles au Conservatoire National de Région à Limoges.
Les chanteurs
(…) les nuits de “ frairies”, de “balades”, de «votes»[4], de noces, nos paysans prolongent volontiers leurs danses jusqu’au matin ; or, pour qui a vu, dans les cantons éloignés, nos jolies campagnardes, accoudées sur la table, le menton dans la main droite, chanter interminablement d’une voix de tête, sur un ton impassible, et alors que leurs yeux fixes s’inondent de larmes aux endroits dramatiques, pendant que les jeunes gens “lou joven”, reprennent énergiquement le refrain, qu’ils scandent à la fois et des pieds et des mains ; qui a vu ce spectacle étrange comprendra qu’une sorte de furie chantante s’empare parfois de nos ru stiques,(…)
Camille LEYMARIE, Quelques mots sur les chansons rustiques du Limousin, Ducourtieux, Limoges, 1890.
[4] Frairies, balades, votes: nom de différentes fêtes en Limousin
Le violon populaire en Limousin
Le violon populaire du Limousin est une musique largement méconnue dont la couleur modale très marquée et 1’extrême ornementation du jeu ont été préservées jusqu’à aujourd’hui de l’évolution fortement tonale des folklores officiels régionaux. On ignore à peu près tout des débuts et du pourquoi de la formidable extension de cette pratique dont on estime qu’elle a sans doute compté plusieurs milliers d’instrumentistes entre le milieu du XIXe siècle et la fin de la seconde guerre mondiale. On en est réduit à penser que, très vraisemblablement, ici comme dans d’autres régions de France, son développement est en partie lié à l’essor économique du centre de lutherie de Mirecourt, à la fin du XVIIIe siècle, qui diffusa ses violons dans toute la France et une bonne partie de l’Europe voisine. Le violon en Limousin est essentiellement pratiqué comme instrument à danser et son répertoire se nourrit aux sources d’une musique très locale, voire familiale : la plus grande partie de la musique des violoneux est constituée d’airs chantés par les parents ou des voisins et n’est redevable que dans une faible mesure d’un répertoire de ménétriers professionnels. La diversité des interprétations est, elle aussi, particulièrement remarquable, chaque musicien n’ayant pour territoire que sa seule commune, parfois plusieurs pour les plus connus. L’arrivée du jazz et de l’accordéon, à la fin de la seconde guerre mondiale, reléguera la dernière génération de violoneux dans une impitoyable disgrâce et un injuste oubli dont les enquêtes des années 1970 les tireront enfin.
Olivier DURIF
Deux chabretaires en Limousin
J’ai rencontré Camillou Gavinet le 25 mars 1978. Il était alors gardien du château de Fressinet, dans les environs de Château-Chervix. Il ne jouait plus de chabrette depuis quinze ans, pourtant l’instrument était toujours là, dans la chambre à coucher… Dès cette première soirée où il se jeta sur ma chabrette, et dont il tira des répertoires inconnus durant plus d’une heure, je fus frappé par l’énergie et la violence qu’il projetait dans sa musique : sons tordus, triturés par les doigts bien sûr, mais aussi par les coups de genou où s’écrase la colonne d’air, par les pressions sur le sac de la cornemuse, par les pieds battants et par cette bouche qui donnait l’impression d’avaler l’instrument plus que de l’insuffler. Il en résultait un univers sonore peu académique, plein de rêves brouillés et de bruits, où la mélodie se frayait vaille que vaille un chemin de mémoire ; mais aussi un sentiment de joie et d’effervescence qui, je le crois maintenant, importait seul à Camillou Gavinet : la danse, la fête, la drôlerie de la mise en scène et des postures, voilà ce qu’était sa musique de chabrette, et que l’on percevra peut-être dans la pièce musicale que nous avons choisie ici. Il faut ajouter que Camillou Gavinet était le petit-fils du fabricant Charles Gavinet, qui l’éleva, qui lui transmit son style et son répertoire, qui lui fabriqua une chabrette décorée d’un large miroir rectangulaire, identique à cette cornemuse ancienne jouée depuis au moins deux siècles aux environs de Limoges.
Bien différent est l’univers de Louis Jarraud : son monde est celui de la délicatesse, de la précision (il répare les horloges). Il joue sur une cornemuse à soufflet, les anches de ses bourdons sont en sureau. Son répertoire lui vient de ces chabretaires qu’il allait écouter à la messe de minuit à La Croisille, là où il vit encore aujourd’hui : des cantiques. des airs de noce, des marches, qu’il interprète de bout, lançant ses mélodies anciennes dans la fraîcheur de la pièce spéciale qu’il possède à côté de sa maison, sa boutique de chabrettes où s’épanouissent les sons de sureau et de roseau. Il possède de nombreux hautbois, de longueurs et de timbres divers, et son plaisir est de tout faire entendre. de colorer l’espace musical pour passer un bon moment en compagnie. C’est un savoir-vivre délicat comme l’ombre d’un jardin : la musique y pousse et toute la jeunesse est venue là, chercher auprès de Louis Jarraud, l’intimité et l’amour du détail, afin de ressourcer ses propres audaces.
Louis Jarraud, Camillou Gavinet : deux chabretaires, deux styles, deux sonorités différentes, deux personnalités projetées par leur musique. Les chabretaires furent nombreux en Limousin plusieurs dizaines recensés depuis 1850. On se prend à imaginer autant de mondes sonores, aussi riches que celui des deux joueurs de cornemuses présentés ici… car c’est cette voie-là, celle qu’ils ont tracée pour nous et pour longtemps, qu’il s’agit de suivre.
Eric MONTBEL
Musicien, chercheur depuis une vingtaine d’années. Spécialiste de la cabrette limousine à laquelle il s’est beaucoup intéressé, il est actuellement directeur du Centre Régional des Musiques Traditionnelles Rhône-Alpes.
Géographie des musiques traditionnelles en Limousin
La géographie physique qui a déterminé les pays, les axes de circulation et, dans le cas de cette région, de non-circulation jusqu’à une époque récente du XXe siècle, a largement façonné les pays musicaux du Limousin même si son appartenance linguistique au domaine occitan peut être considérée comme une composante importante du fait musical.
Le Limousin est une marche, un contrefort de l’ouest des montagnes du Massif Central en appui sur les pays quercynois et aquitains-périgourdins au sud-sud-ouest, sur le Poitou au nord-ouest, les plaines naissantes du Berry et du Bourbonnais au nord-est, les Combrailles et l’Auvergne à l’est, avec l’enclave très marquée de la Xaintrie, terre auvergnate cantalienne en Limousin. La musique en Limousin épouse, selon les pays, la plupart de ces influences géographiques ; d’autres phénomènes viennent la colorer :
- un mouvement migratoire temporaire qui vide le Limousin, une bonne partie de l’année, de ses forces vives en hommes (maçons, tailleurs de pierre, scieurs de longs, anciennement, chauffeurs de taxis et autres marchands itinérants, dans une période plus récente) en direction de villes comme Paris, Lyon, Bordeaux, etc. Ce mouvement a profondément marqué le pays culturellement parlant, apportant son lot de modernité et d’idées nouvelles mais très symétriquement aussi, stimulant un attachement à l’identité limousine et aux valeurs ancestrales du pays.
- l’appartenance d’une partie de la région à un espace musical et chorégraphique propre aux pays du Massif Central qu’on pourrait symboliquement dénommer « la planète bourrée » et qui a durablement et vigoureusement marqué l’esthétique de la musique de danse locale, voire même dans une période récente, « contaminé » des zones en Limousin où la bourrée était jusqu’alors inconnue.
Les interprètes
La plupart des interprètes de ce disque ont été enregistrés chez eux, ou en situation de veillée dans l’intimité des lieux qui leur étaient familiers sans autre préalable la plupart du temps, et sans autre intention que le plaisir de jouer, chanter, raconter pour les enquêteurs, comparses et spectateurs que nous étions.
Beaucoup d’entre eux ont aujourd’hui disparu, que ce disque leur rende humblement hommage.
- Marie MARINIE et sa fille Julia, chanteuses de Xaintrie de la commune de St Geniez-Ô-Merle (19) savaient de nombreuses chansons héritées de famille (le frère de Marie jouait du violon). Marie avait l’habitude de faire danser à la voix. Julia chante ici un très beau et très rare chant de « quête des œufs » (Réveillez) : Tres enfants d’en Bretanhat.
- Auguste MONTEZIN de Troche (19), une commune proche de Pompadour, est un musicien qui jouait bals et noces à l’accordéon diatonique et dont le répertoire est très empreint de la musique de sautière particulière à tout le sud-ouest du Limousin. La bourrée « La parisienne », dont il joue une version ici, correspond à une forme locale de bourrée du plateau Juillac-Pompadour.
- Gabriel BREGERE, agriculteur de profession et chanteur renommé de Perpezac-leBlanc (19) a chanté jusqu’à ses derniers jours, accompagnant à l’occasion le groupe Le Chavilhier de Juillac qui a enregistré une grande partie de son très beau répertoire de chansons.
- Julien CHASTAGNOL, violoneux le plus doué de la dernière génération d’instrumentistes de la commune de Chaumeil (19) qui comptaient parmi eux le célèbre accordéoniste Ségurel et dont l’initiateur était Léonard Lachaud, violoneux mythique de cette région des Monédières. La première bourrée interprétée est une remarquable version de Julien, unique par sa construction et sa vitalité mélodique, d’une bourrée du répertoire chaumeillois.
- Léon PEYRAT, violoneux et chanteur de St Salvadour (19), commune au pied des Monédières. Il tient un vaste répertoire de chansons, dont celle présentée dans ce disque, de son père. Il jouera bals et noces dans la région de Seilhac jusqu’à l’orée de la seconde guerre mondiale. Agriculteur retraité, il continuera à pratiquer le violon en se remémorant et en créant de nombreuses mélodies et chansons.
- Martial CEPPE, violoneux « pour le plaisir… » à Monestier-Port Dieu (19) aux confins de l’Auvergne, il était doté d’une mémoire extraordinaire ayant écouté la plupart des violoneux du plateau bortois qui longe la Dordogne, il s’était constitué un répertoire fruit de ses nombreuses rencontres.
- François ROUSSEL, violoneux à Sarroux (19) près de Bort-les-Orgues. Il était connu comme un remarquable animateur des bals et noces où il avait joué dans sa jeunesse sur le plateau bortois, renommé pour son coup d’archet et sa jovialité communicative…
- Camillou GAVINET à Freyssinet de Si-PriestLigoure (87) joue ici sur une « chabreta » de type limousin, comemuse gonflée à la bouche, décorée de miroirs, fabriquée par son grand-père Charles Gavinet. La mazurka interprétée ici était jouée par le père Bazuel, dit “lo Pai Tiro” (1870- 1950) du Puychaugas de St-Jean-Ligoure, et par Charles Gavinet qui la transmit à son petit-fils : à noter le jeu rythmique du musicien qui modifie la colonne d’air du hautbois de cornemuse avec le genou, dans un effet de “trompette bouchée” alternatif. Cet effet sonore était utilisé par les chabretaires des environs de St-Yrieix-la-Perche et de Château-Chervix en Haute-Vienne, où la pratique de cornemuse fut intense à la fin du XIXe siècle.
- Louis JARRAUD au Barnagaud de La Croisille-sur-Briance (87) joue sur une « chabreta » de type auvergnat, gonflée grâce à un soufflet, mais dotée d’un bourdon en « chanterelle», à anche simple de sureau. Les chabretaires que Louis Jarraud entendit dans son enfance à La Croisille-sur-Briance (Haute-Vienne) jouaient sur des cornemuses de type limousin, à miroirs, ou de type auvergnat, fabriquées le plus souvent à Paris par Marcellin ou Amadieu. Parmi ces chabretaires, les fameux Jabet et Martinot jouaient pour les messes de minuit à Noël, et leur répertoire comprenait de beaux cantiques parfois dotés de paroles en langue d’oc. Ainsi « l’âme entendit » et « revelhatz-vos pastouraus », pièces libres que Louis interprète sur un instrument de tonalité assez grave, plus approprié à ce type de mélodies que les chabrettes aiguës destinées aux airs de danse.
- Léonard FRACHET. Chanteur à la Croisille-sur- Briance et voisin du célèbre chabretaire Louis Jarraud. Frachet était un de ces derniers chanteurs de l’ancienne génération, comme les pays autour du Mont-Gargan en comptaient de nombreux, au riche répertoire en chansons anciennes et au style vocal plein d’inflexions et de puissance ainsi qu’en témoignent les deux chansons présentées dans ce disque.
- Henri ROULANT, figure locale à Chamberet (19) où il résidait, tenait l’essentiel de son répertoire de sa famille, mais également, « roulant » sur les routes, des nombreux chantiers où il travaillait, apprenant ici ou là les chansons qui passaient à sa portée, avec une certaine prédilection pour les chansons humoristiques, comme celle de « La femme et le capucin » enregistrée sur ce disque, où son art trouvait sa pleine mesure.
- Firmin LEGRAS, avec son accordéon diatonique, a animé les bals de St-Léonard de Noblat à Sauviat-sur-Vige (87). Il a su élaborer un style de jeu riche et orné et possède un vaste répertoire, composé d’airs anciens glanés dans sa jeunesse et de plus récents; il n’a de cesse que de l’élargir encore. La valse jouée ici, était du répertoire d’un accordéoniste, M. Pierre Rozier, tandis que la bourrée-valse est largement répandue dans la région.
- Pierre MONDOLY est né en 1904 et décédé en 1993. René MONDOLY est né en 1912. Ils ont toujours vécu dans des communes proches d’Eymoutiers (87), ou à Eymoutiers même. Tous deux ont gardé le souvenir très fort des soirées de leur enfance passées à chanter, les quatre frères, les trois soeurs et leur mère. René était le plus jeune et il n’avait que trois semaines quand survint la mort de leur père. « Oh c’est la fille d’un boulanger » était une des pièces de son répertoire que Pierre chantait le plus souvent dans les noces.
- Gabriel BRECHARD, né en 1925, il joue les bals autour d’Aubusson et Bellegarde en Marche (23) avec son accordéon chromatique. Il se souvient des airs que chantait sa mère qui était de Banize (23), comme cette bourrée couramment jouée dans la région.
- Henri CHEVALIER né en 1903 a vécu dans la région de Mézières-sur-Issoire (87) aux limites du Poitou et du Limousin. Surnommé « Jacondi », il apprend à jouer de l’accordéon diatonique et jusqu’à la fin de sa vie continuera à jouer là où on le demande dans les noces et les banquets. Il tient pour l’essentiel son savoir en chansons de sa grand-mère et il interprète ici une très belle version de « Marguerite ‘la y lave » (Sos le pont d’Orléans).
- Alfred GASNE, né en 1904, c’est avec Barlet de Juchefaux (23) qu’il a découvert le violon qu’il a ensuite fait sonner dans de nombreux bals autour de Néoux (23) principalement. Il a utilisé un temps un violon-trompette pour mieux se faire entendre aux côtés du saxophoniste Lombeau. Son répertoire comprend aussi bien des airs de son beau-père, le vielleux Rouche et de son « professeur », le violoneux Barlet, que des chansons et des airs de bal des années 1920/30.
- Henriette SERBIER, née CLEMENT est née en 1912 à Chateauponsac (87). Elle habite maintenant le Moulin de Soulignac, à Cromac (87). Elle tient son répertoire le plus ancien de sa mère et de ses tantes. Elle a toujours été passionnée de chansons : « Moi, on pouvait pas fermer ma gueule !… »
- Joseph DUCROS, vielleux à Flayat (23), région remarquable par l’intense pratique de la vielle jusque dans une période récente, n’a guère joué que dans le cadre familial et pour son propre plaisir. Son jeu très dynamique fait bien ressortir toute l’importance du coup de poignet et l’originalité du jeu de vielle local. Sa version de la bourrée « Para Jo lop », à la construction complexe, ainsi que l’autre bourrée jouée dans ce disque permettent de goûter l’élaboration de son jeu mélodique et ornemental.
- Eugène THOMAS. Si « la Creuse c’est le pays de la vielle » comme on le dit souvent, Eugène THOMAS dit « Burette », le sabotier de Beissat (23), a été la figure emblématique de cet instrument depuis les années 50, le seul héritier de cette tradition à se produire couramment en public jusqu’à la fin de sa vie. Ici son jeu montre bien la très grande souplesse de fonctionnement, d’articulation entre les variations rythmiques de la main droite et mélodique de la main gauche. « Le père Counaud » est une danse très locale et la valse vient de Jacques Lagarrigue, travailleur journalier de la région de La Courtine (23) qu’il a laissée, avec sa vielle, en héritage à « Burette ».
- Maurice BIDAUD est né en 1932 ou 1933. Il habite Le Buisson à St-Priest-Taurion (87). Il interprète ici une version particulièrement « verte » d’une chanson connue par ailleurs.
- Arsène COURTY, violoneux et accordéoniste de Bosroger (23), est né en 1905. Musicien très sensible et inventif, il a doublé la chanterelle de son violon ce qui lui donne ce son caractéristique. Il a conservé un répertoire très « chantant » qui sied bien à son jeu nuancé tant au violon, comme dans la valse qu’il joue ici, qu’à l ‘accordéon diatonique à un rangs sur lequel il joue la scottish des Bonnal au phrasé bien particulier.
- Lucien CHAPUT, bien qu’habitant sur la commune de Charensat (63), sa vie a é té tournée vers la Creuse proche de quelques centaines de mètres (ce qui explique sa présence dans ce disque) et le bourg d’Auzances (23) où il a acheté un harmonica. Il a mis à profit son art de sabotier pour se construire un violon dont il joue à l’occasion. Il joue ici une polka piquée et une très belle mazurka qui mettent en avant son sens de la cadence.
* Note : les nombres entre parenthèses correspondent aux départements : 19 : Corrèze ; 23 : Creuse ; 63 : Puy-de-Dôme ; 87 : Haute-Vienne.
Ces enregistrements sont issus de collections privées
Ils ont été mixés et montés au studio GIGA, (Médias-Waimes) Belgique, en mai 1995
Les textes sont de : Olivier DURIF, Françoise ETAY, Eric MONTBEL, Jean-Jacques LE CREURER
Photographies intérieures : collections privées
Photographie couverture : Archives Départementales de la Corrèze
Adaptation anglaise : Mary PARDOE
Graphisme : studio KALI, (Médias-Waimes) Belgique
Production : André RICROS
Ce disque a été réalisé en co-production avec le Centre Régional des Musiques Traditionnelles en Limousin.
Le Centre Régional est financé par le Conseil Régional du Limousin et l’Etat (DRAC Limousin).
Contact : CRMTL – 05 55 27 93 48.
Remerciements :
- à tous les interprètes de ce disque pour la chaleur de leur accueil en souvenir des moments passés ensemble ;
- aux collecteurs-chercheurs : M.M Alain RIBARDIERE, Christian OLLER, Francis CHAMINADE, Jean et Popy DUPETITMAGNIEUX, Jean BLANCHARD, Jean-Pierre CHAMPEVAL, André RICROS, Pierre IMBERT, Sylvestre DUCAROY, Pierre BOULANGER, Yves TRENTALAUD, Claude AUBRUN ;
- à Daniel FRESQUET ;
- à Madame la Directrice des Archives Départementales de la Corrèze, Mme SAY, à M. NICITA.
En couverture : Réunion de famille du côté d’Eygurande (19) au début du XXe. Photo Antoine Coudert (1866- 1910). Coll. A. D. Corrèze.
Texte of the CD « Traditional singers and musicians in Limousin – rec. 1974-1991 » (english version)
Traditional singers and musicians in Limousin
‘…On the day of the vote[1], well into the night, one can still hear the fiddles that accompany the songs and dances of the young countryfolk,’ reported the ethnographer Victor Forot in 1911, in his monograph[2] on a village near Tulle in Correze.
Singing, playing, dancing… dances and melodies played in the open air, plainsong… This music – which has become traditional – is seemingly no longer a regular part of the Limousin scene in 1995. though it no doubt still has a (legendary) place in the hearts and minds of many of the natives of Limousin.
The inhabitants of the region appreciate this music in its various forms as an autarkical express ion of the joys of sharing. of being together. And it does in fact still exist to this day, not so much in its traditional contexts, but in the intimacy of family celebrations and village festivities, and whenever the opportunity arises. incongrous though the situation may sometimes seem – at get – togethers, in the form of barbecues, organised by ex-servicemen! from the Algerian war, for example!
Artisans may be heard singing on building sites. diatonic or chromatic accordions are played with passion… There is something anachronistic about the presence of this music in the modern day and age, yet it is a part of the scenery: it makes a deep impression on everyone and is fully assumed by none…
On the threshold of the 1970s, Limousin was still very much market by rurality; like all French rural areas of the time, it tried to shake off that persistent reputation, which was considered as a handicap at a time when France, in those de Gaullian years, was glorying in urban modernity.
It was precisely at that time that groups of researchers. collectors an musicians. from the region and elsewhere, decided – in a convergent though not concerted effort – to go in search of the lost folk culture of Limousin.
To their great surprise, they discovered that a whole series of social, economic and cultural practices attributed by cert a in authors to Limousin of before the First World War (fairs, communal farm work carried out with little recourse to mechanisation, processional rites. etc.) were apparently still in place or had died out in a much more recent past than had hitherto been supposed. Music and musicians were on the decline, but they were still present: everywhere the former was considered as an “inferior” type of music, while the latter were generally reduced to the status of poor musicians, when, in reality, they were the ultimate express ion of a musical tradition resulting – so far as we can tell – from two centuries of intense and passionate musical activity.
Armed with smiles, their most precious possessions being their brand new tape recorders (their vehicles were not in quite the same state!) these researchers-cum-collectors set off along wooded country lanes and down tracks lost on the borders of the last heath s. They would suddenly land up in a farmyard, where men, women, chickens, pigs. sheep and other creatures were going about their business: or else they would find themselves, vaguely incongruous, in the innermost depths of some anonymous cafe, where ageless men playing cards would answer their questions without taking their eyes off the game: or they would turn up in some cowshed adjoining a farmhouse, where the occupants were busy helping a cow to calve; and sometimes they would find themselves, at four o’ clock in the afternoon, before a locked door, the man of the house being already in bed on that wintry evening. When they arrived, they were enjoined to decline their identity and the reason for their visit and they would produce the musical instruments they had brought with them. Those epic encounters – between singers, musicians. collectors and those providing their material – were a mixture of comedy and drama, but they were always warm. Sometime between haymaking and harvesting, they would spend summer afternoons sitting in the shade of a lime tree with all the village turning up at the house. On cold autumn evenings they would sit in the inglenook by the cantou[3] where hams hung drying in the smoke, talking about times supposedly past (‘When I think of it…yes, now you come to mention it…), replaying those old, old songs (… ‘at least two thousand years old: they date from the time of Napoleon!) over and over again, listening to someone speaking at length about some musician of the olden days (‘Oh! Didn ‘the play well, the rascall), only to discover in the end – quite incidentally, after putting two and two together – that the person in question in fact still lived next door (Ah there he goes!)!
Such music cannot be conveniently pigeonholed; it is situated outside all notions of time and space; neither modern nor archaic – timeless.
The examples that are to be heard on this recording, the ‘discoveries’ made by those researchers, bear witness to the wealth of this music and to the exceptional vitality and pass ion of the musicians encountered. They speak for their time as well as for days gone by, with all the originality of the folk music of Limousin.
[1] Votive feast.
[2] Victor Forot: ‘Monographie de la commune de Naves’ 1911. manuscript in the Departemental Archives of Correze.
[3] Large traditional Limousin fireplace.
Olivier DURIF
Musician and researcher in Limousin for the past twenty or so years. Has carried out a great deal of research into the tradition of the folk fiddle in Corrèze. where he now lives. At present he is in charge of the Regional Centre for Traditional Music in Limousin.
Passing the baton…
The year 2000 is drawing closer. For almost a century and a half now, successive waves of Cassandras have been announcing the imminent disappearance of the last vestiges of traditional culture in rural France.
Yet, superbly ignoring such prophecies, certain diehards nevertheless still stand fast. Who are they? The singers, who, beside the repertoire they have built up through the radio or recordings, have kept a special place for the old songs they inherited from their parents, cousins or neighbours. And also the dancers, who, in the midst of a bat musette or a the dansant, defying the pressure of the waltzers around them, come together in groups of four and, with concentration and vigour, dance the bourrée played by the band. Groups of four that are sometimes mixed, sometimes all male. The dance is usually based on a single figure, which varies according to where it is performed. The relationship to the music is both extremely precise, as to the step, permitting all sorts of rhythmic extravagance, and astonishingly buoyant, as to the figure – a feature that has been frequently absent, up till
now, from “revivalist” dances and totally alien to folk performances.
For both the traditional singer and the dancer, it is taste, based on aesthetic criteria, that motivates choice, and not nostalgia, and even less a feeling of identity, which, though sometimes strong in Limousin, chooses, rather, other
objects. Despite this attachment, however, the collective memory has not stood up very well to the upheavals of the 20th century.
The sound recordings and films that have been made in the past twenty years or so will, of course, partly make up for those shortcomings. But they do even more than that: they will make it possible to analyse documents. Particularly where singing is concerned, they are irreplaceable and prove that, if certain interpretations can submit to the rules of Western classical musical notation without coming to too much harm, others, using scales with mobile degrees or rhythms whose logic is not that of the mensurations with which we are familiar, do not lend themselves very well to transcription. And in many cases, they show that the melody of the songs, pleasantly changing from one verse to the next, cannot honestly be resumed in a few staves given at the top of the page.
The publication and broadcasting of recorded and filmed collections should now give new lovers of traditional music and dance the possibility of discovering and exploiting the great wealth and diversity of styles, the subtlely of the variations and the plasticity of the forms of an oral heritage that has been passed on implicity, by immersion, for generations, and which is so little known at present.
Françoise ETAY Musician and researcher specialising in the fiddle and folk-dance in Limousin. She lives in Haute-Vienne and present head of the Department of Traditional Music at the Conservatoire in Limoges.
The singers
«(…) On the nights of’frairies’, balades’, ‘votes’[4] and weddings, our peasants readily go on dancing until the early hours: and anyone who has been, to out-of-the-way districtsand has seen, our pretty country girl s, resting their elbows on the table, their chins cupped in their right hands, endlessly singing with a head voice, in an impassive tone. and their vacant eyes flooding with tears at the dramatic moments, while the young men – «lou jouven» – energetically join in the refrain, beating time with hands and feet – as l say, anyone who has seen this strange sight will understand that our rustics are sometimes seized by a sort of melodic fury(…)».
[4] Name of various feasts in Limousin.
Camille LEYMARIE, Quelques mots sur les chansons rustiques du Limousin, Ducourtieux, Limoges, 1890.
The Limousin Folk fiddle
The music of the Limousin folk fiddle is generally little-known. Its very pronounced modal colour and highly ornamented playing have been preserved to this day from the strongly tonal developments of official regional folk music.
We know virtually nothing about its origins or the reasons for the tremendous progression of this practice – there were no doubt several thousand instrumentalist in Limousin between the middle of the 19th century and the Second World War. We are reduced to thinking that, here as in other regions of France, its development is most probably partly linked to the economic expansion of Mirecourt as a centre for instrument making at the end of the 17th century: its violins were distributed throughout France and also to a good part of neighbourin g Europe.
The fiddle in Limousin is used essentially to provide music for dancing and its repertoire is taken from a very local or even family source: the music of the fiddlers consists for the most part of airs the musician heard sung by relatives or neighbours; its repertoire is not one of professional minstrels. The diversity of interpretations is also particularly remarkable, each musician having as his territory only his commune, or sometimes several communes for the better-known.
With the arrival of jazz and the accordion at the end of the Second World War, the last fiddlers fell out of favour and were unjustly forgotten until the surveys carried out in the 1970s at last brought them out of oblivion.
Olivier DURIF
Two pipers in Limousin
I met Camillou Gavinet on 25 March 1978. He was then warden of Fressinet castle, in the environs of Chateau-Chervix. He had not played the chabrette (Limousin bagpipe) for fifteen years, yet the instrument was still here, in the bedroom… From that first evening, when he pounced on my chabrette and, for over an hour, drew from it unfamiliar repertoires, I was struck by all the energy and violence he put into his music: weird sounds, resulting from his pummelling fingers, of course, but also from his knee striking the chanter, pressure on the bag of the bagpipe, his stamping feet, and his mouth, which seemed to be swallowing the instrument rather than blowing into it. The result was a world of sound that was not very academic, full of confused dreams and noises, in which the melody somehow forced its way through from memory; but there was also a feeling of joy and effervescence which, I now believe, was the only thing that mattered to Camillou: his chabrette music was full of dancing and merriment, with fun in its performance and in its postures – all of which are perceptible in the example presented here. lt must be added that Camillou Gavinet was the grandson of the bagpipe-maker Charles Gavinet, who brought him up, passed on his style and his repertoire, and made him a chabrette decorated with a large rectangular mirror, just like the ancient bagpipe that has been played for at least two centuries in the environs of Limoges.
The world of Louis Jarraud is very different: it is one of delicacy and precision (he repairs clocks).
The instrument he plays is bellows-blown and the reeds of his drones are of elder. His repertoire comes from the chabretaires he used ot listen to at midnight mass at La Croisille, where he still lives today: hymns, wedding tunes, marches, which he plays standing, sending out his ancient melodies into the coolness of the room he has fitted out next to his house: his “chabrette shop”, where the sounds of elder and reed can come into their own. He possesses numerous chanters, of various lengths and timbres, and delights in presenting them all, filling the room with colour and spending a pleasant moment in company. His savoir-vivre is delicate and music thrives in such an atmosphere. Young people come to see Louis Jarraud for this intimacy and love of detail, and renew the vigour for their own audacities.
Louis Jarraud, Camillou Gavinet: two chabretaires, two styles, two different tones, two personalities put over by their music… There used to be many chabretaires in Limousin: we have evidence of the existence of several dozen since 1850. We find ourselves imagining as many different styles of playing, each one as rich as those of the two pipers presented here…
And that is the path we must follow, the one they have traced for us and for a long time to come.
Eric MONTBEL
Musician and researcher for the past twenty or so years. He is a specialist in the Limousin bagpipe (chabrette) and is lit present Director of the Rhone-Alpes Regional Centre for Traditional Music.
Music in spite or everthing: Louis Laubic, know as ‘Louinot’, a fiddler from Correze, at Verdun (Chemin des Dames) during the 19 14-18 War.
Olivier Durif Collection.
Geography and traditional music in Limousin
Regions and transport axes (or lack thereof, in the case of Limousin, until quite recently in the 20th century) are determined by physical geography. The latter al so plays an important role in establishing musical zones, though the fact that Limousin is linguistically part of the Occitan area is also important.
Limousin is a march, forming the western extremity of the Massif Central and bordering on the regions of Quercy and Aquitaine-Perigord to the south-south-west, Poitou to the north-west, the nascent plains of Berry and the Bourbonnais to the north-east, Combrailles and the Auvergne to the east, and with the very marked enclave of Xaintrie, a piece of the Auvergne (Cantal) in Limousin.
Music in Limousin has been greatly influenced by its geography, but it is also coloured by other phenomena:
- For a good part of the year, temporary migration drains the region of its male work force (originally, masons, stone-cutters, pit sawyers, but more recently, taxi drivers and various travelling salesmen) for the benefit of cities such as Paris, Lyon and Bordeaux. This movement has had a profound influence on culture in the region, bringing with it modernity and new ideas, but at the same time it has made people more aware of and attached to their regional identity and to the ancestral values of Limousin.
- Part of the region belongs to a musical and choreographic area that is peculiar to the regions of the Massif Central that we might symbolically call ‘the home of the bourrée’ and which have had a strong and lasting effect on the style of local dance music, and have even ‘contaminated’ areas of Limousin where the bourrée was previously unknown.
The musicians
Many of the performers we hear on this CD where recorded at their homes or at evening gatherings, usually whithout any preparation and with no other aim than the simple pleasure of playing, singing and recounting to the ‘investigators’, supernumeraries and spectators that we were.
Many of them have unfortunately passed away since then. This recording is meant as a humble tribute.
- Marie MARINIE and her daughter Julia. Xaintrie singers from the commune of Saint-Geniez-Ô-Merle (19)*, knew many songs they had inherited from their family (Marie’s brother played the fiddle). Marie used to provide vocal accompaniment for dancing. Here Julia sings a very beautiful and very rare ‘egg-collecting’ song (or Reveillez): Tres enfants d’en Bretanhat.
- Auguste MONTEZIN from Troche (19), a commune near Pompadour, used to play the diatonic accordion at dances and weddings. His repertoire is very much marked by the musique de sautière[5] that is found throughout south-west Limousin. The bourrée ‘La Parisienne’, a version of which he plays here, is a local form of the bourrée from the Juillac-Pompadour plateau.
- Gabriel BREGERE, a fanner by profession and a well-known singer from Perpezac-leBlanc (19), sang till the end of his life, sometimes accompanying the Juillac group Le Chavilhier, which has recorded most of his fine repertoire of songs.
- Julien CHASTAGNOL was the most talented fiddler of the last generation of instrumentalists from the commune of Chaumeil (19), which included the famous accordionist Segurel. He learned to play with Leonard Lachaud, a legendary fiddler from this region of the Monedieres mass if. The first bourrée interpreted here is a remarkable version by Julien of a bourrée from the Chaumeil repertoire: it is unique in its structure and in the vitality of its melody.
- Leon PEYRAT was a fiddler and singer from Saint-Salvadour (19), a commune at the foot of the Monedieres massif. His repertoire of songs was vast. The one presented on this recording was passed on to him by his father. He played at dances and weddings in the Seilhac area until the beginning of the Second World War. After retiring from farming, he continued to play the fiddle, recalling and creating numerous songs and melodies.
- Martial CEPPE was a fiddler (‘just for the fun of it’) at Monestier-Port-Dieu (19) on the edge of the Auvergne. He had an extraordinary memory and built up a repertoire by listening to the fiddlers from the plateau of Bort-les-Orgues (along the Dordogne).
- François ROUSSEL was a fiddler from Sarroux (19), near Bort-les-Orgues. During his youth he played at dances and weddings in and around Bort-les-Orgues, earning himself a reputation as a fine entertainer and an excellent musician; his joviality was quite infectious.
- Camillou GAVINET, from the hamlet of Freyssinet in the commune of Saint-Priest (87), here plays on a Limousin-type ‘chabreta’: a mouth-blown bagpipe. decorated with mirrors. made by his grandfather Charles Gavinet. The mazurka he interprets here was played by ‘old man Bazuel’, alias ‘Lo Pai Tiro’ (1870-1950), from Le Puychaugas in the commune of Saint-Ligoure. and by Charles Gavinet, who passed it on to his grandson. Note the musician’s use of rhythm, modifying the column of air in the bagpipe’s chanter with his knee. creating an alternate ‘muted trumpet’ effect. This special effect was used by chabreraires (pipers) in the area around Saint-Yriex-la-Perche and Château-Chervix in Haute-Vienne. where the bagpipe had a great many adepts at the end of the 19th centuty.
- Louis JARRAUD, from Le Barnagaud in the commune of La-Croisille-sur-Briance. plays an Auvergnat-type chabreta, which is bellows-blown but has a treble drone, with a single reed made of elder. The chabreraire Louis JatTaud heard during his chilhood in La-Croisille-sur-Briance (87) played on bagpipes of the Limousin (with mirrors) or Auvergnat types, which were usually made in Paris by Marcellin or Amadieu. These chabretaires included the famous Jabet and Martinot, who played for midnight masses at Christmas; their repertoire included some fine hymns, sometimes with words in langue d’oc – e.g. ‘L’Ame entendir’ and ‘Revelhas-vos pastoraus’, free pieces which Louis plays on an instrument that is quite low in pitch and his more suited to this type of melody than the higher-pitched chabrettes, which are more appropriate for dance tunes.
- Leonard FRACHET. Singer at La-Croisille-sur-Briance (87) and neighbour of the famous chabretaire Louis Jarraud, Leonard Frachet was one of the last of the old generation of singers. The area around Mont Gargan boasted many such singers, with a repertoire containing a wealth of old songs and with a powerful vocal style full of inflection s, as may be seen from the two songs on this recording.
- Henri ROULANT was a well-known local figure in Chamberet (19). Most of his repertoire came from his family but also picked up various pieces on the roads, while he was working as a ‘roulier’, crusching stones. He had a certain predilection for humorous songs, such as ‘La Femme et le capucin’ which can be heard here and which brings out all his talent.
- Firmin LEGRAS used to play his diatonic accordion at dances from Saint-Leonard-de-Noblat to Sauviat-sur-Vige (87). He developed a rich and ornate playing style and had a vast repertoire consisting of old tunes he had gleaned during his youth, plus more recent ones; he was always eagerly on the look-out for new items to add to it. The waltz whe hear was in the repertoire of M. Pierre Rozier, while the bourrée-cum-waltz is to be found throughout the region.
- Pierre MONDOLY was born in 1904 and died in 1993. Rene MONDOLY was born in 1912. They always lived in communes in the vicinity of Eymoutiers (87) or in Eymoutiers itself. Both of them had vivid memories of the evenings they spent as children – four brothers and three sisters – singing with their mother. Rene was the youngest and he was only three weeks old when their father died. ‘Oh, c’est la fille d’un boulanger’ is a piece from Pierre’s repertoire; he would usually sing it at weddings.
- Gabriel BRECHARD, born in 1925, plays his chromatic accordion at dances around Aubusson and Bellegarde-en-Marche (23). He can remember the songs sung by his mother, who was born in Banize (23); this bourrée is one of them; it is often heard in the region.
- Henri CHEVALIER (nicknamed ‘Jacondi’) was born in 1903. He lived in the region of Mezieres-sur-lssoire (87), on the boundaries of Poitou and Limousin. He learned to play the diatonic accordion and went on performing at weddings and banquets until the end of his life, whenever his presence was requested. Most of the songs in his repertoire came to him from his grandmother. Here, he performs a very beautiful version of ‘Marguerite ‘la y lave’.
- Alfred GASNE was born in 1904. He learned to play the fiddle with Barlet of Juchefaux (23) and then played at dances, mostly around Néoux (23). For a while, he used a Stroh violin to make himself heard when playing alongside the saxophonist Lombeau. His repertoire included tunes from his father-in-law. the hurdy-gurdyist Rouche, and from his ‘teacher’, the fiddler Barlet, and also dance tunes and songs of the 1920s and 30s.
- Henriette SERBIER, nee CLEMENT, was born in 1912 in Chateauponsac (87). She now lives at Le Moulin de Soulignac in the commune of Cromac (87). The oldest pieces in her repertoire came to her from her mother and her aunts. She has always been passionately fo nd of songs. (‘They couldn’ shut me up’ she says.).
- Joseph DUCROS is a hurdy-gurdyist from Flayat (23), an area that was noted until very recently for the popularity of the hurdy-gurdy there. He plays mainly for his own pleasure, at home with his family. His very dynamic playing illustrates the great importance of the use of the wrist ans shows the originality of hurdy-gurdy playing in this region. His version of the bourrée ‘Para lo lop’, with its complex structure, and the other bourrée we hear on this recording, enable us to savour the elaboration of his melodic and ornamental playing.
- Eugene THOMAS. It is often said that ‘ the Creuse is the home of the hurdy-gurdy’ and Eugene Thomas (also known as ‘ Burette’), the clog-maker from Beissat (23), was the emblematic figure of that instrument from the 1950s onwards. He was the only heir to that tradition to appear regularly in public until the end of his life. Here his playing shows the very great flexibility in the functioning and structuring of the rhythmic variations on the right hand and the melodic on the left . ‘Le père Counaud’ is a very local dance and the waltz came from Jacques Lagarrigue, a day labourer from the region of La Courtine (23), who left it, with his hurdy-gurdy to ‘Burette’ when he died.
- Maurice BIDAUD was born in 1932 or 1933. He lives at Le Buisson in the commune of Saint-Priest-Taurion (87). Here he performs a rather spicy version of the well-known song.
- Arsene COURTY, a fiddler and accordionist from Bosroger (23) was born in 1905. He was a very sensitive and inventive musician: he doubled the E-string on his fiddle, thus giving it this characteristic sound. He retained a very ‘melodic’ repertoire which was most in keeping with his nuanced playing, both on the fiddle, as in the waltz he plays here, and on the one-row di atonic accordion, on which he plays the ‘Scottish des Bonnal’, a Schottische with very unusual phrasing.
- Lucien CHAPUT lives in the commune of Charensat (63) in Auvergne, but his life has always been turned towards the Creuse a few hundred metres away (which explains its presence here) and the small market-town of Auzances (23), where he bought a harmonica. He turned his art as a clog-maker to account by making himself a fiddle which he plays when the occasion arises. Here he plays a polka piquée and a very fine mazurka, which bring out his sense of rhythm.
* Note: the figures in brackets are the numbers of French departements : 19: Correze; 23: Creuse; 63: Puy-de-Dôme: 87: Haute-Vienne.