Création artistique en pays d’élevage
Morvan – Pays de Tulle
Voir la bande-annonce du film-spectacle
Extraits du film-spectacle ’’Quelques hommes et mille vaches’’, présenté à Sédières (19) le 16 novembre 2008 (image et montage vidéo : © Laurent « Graal » Rousseau 2008).
Création inédite sur le thème de l’élevage bovin aujourd’hui et les cultures traditionnelles en Morvan et en Pays de Tulle, avec une trentaine de musiciens de ces deux territoires : musiques, vidéos, sons collectés, récits…
La Corrèze et le Morvan sont aujourd’hui des terres d’élevage, pays « naisseurs » comme on les appelle, berceaux de la race limousine – les vaches rouges – et de la race charolaise, les blanches ! Ceux qui les élèvent, des agriculteurs d’une tradition multiséculaire d’éleveurs passionnés, sont aujourd’hui aux prises avec les contraintes sans précédent d’une économie mondiale et les nécessités – tout autant – d’un développement durable. Le film qui leur est consacré est un témoignage d’aujourd’hui sur l’identité forte de ces terres du Massif Central entre tradition et modernité et raconte l’histoire de ces hommes, trois agriculteurs corréziens et trois morvandiaux, qui vivent au quotidien l’héritage des paysans de nos pays ruraux. Ce spectacle original et poétique est pour l’occasion accompagné par vingt-huit musiciens et musiciens corréziens et morvandiaux dans une symphonie moderne et traditionnelle imaginée et composée sous la direction de Laurent Rousseau.
Cette création artistique est coproduite par le Centre Régional des Musiques Traditionnelles du Limousin, l’Union des Groupes et Ménétriers Morvandiaux et « Mémoires Vives ». (Cette initiative bénéficie de l’aide de la Communauté européenne dans le cadre des programmes LEADER+ ([« Pays de Tulle » et « Parc du Morvan »), des DRAC et des Conseils régionaux du Limousin et de Bourgogne, du Conseil Général de la Corrèze, de l’ADIAM Corrèze, de la Communauté de Communes du Pays de Tulle, de Musique Danse Bourgogne, du Pays de l’Autunois-Morvan, de Groupama, du Crédit Mutuel, du Crédit Agricole Centre-France ainsi que de l’aide technique du Théâtre « Les sept Collines » – scène conventionnée de Tulle).
Projet artistique
Six agriculteurs, trois corréziens et trois morvandiaux, déroulent leur vie d’éleveurs de « veaux sous la mère ». Au travers de ces personnages choisis pour leurs qualités professionnelles mais aussi et surtout humaines, c’est une société rurale d’aujourd’hui, au plus près des corps, des visages et des bêtes, sans nostalgie mais avec la tendresse exhalée de ces personnalités typées et passionnées et l’immersion qu’elles supposent dans la vie de ces deux régions, qui est proposée au regard des spectateurs.
<diapo1050|right> Au passage, on découvre les paysages si voisins de ces deux pays de demi-montagne, bocage pudique et calme de pacages, de prés et de labours enserrés au milieu des forêts, et le signal coloré blanc et rouge des « charolaises » et des « limousines ».
Pas de folklore, ni de compassion rustico-romantique, juste les hommes et les femmes de ce pays au travail aujourd’hui avec les paroles et le son qui rythment leur quotidien.
Le film projeté sur grand écran, qui a été tourné et réalisé par Laurent Rousseau, au cours de différentes saisons, ainsi que les montages sonores sont accompagnés par une trentaine de musiciens des deux régions réunis autour de Laurent « Enzo » Rousseau (directeur artistique et créateur de machines sonores) et d’un petit orchestre professionnel.
Vielleux et cornemuseux du Morvan, chanteurs et chanteuses du Pays de Tulle, jeunes groupes musicaux d’adolescents impertinents rejoints par d’improbables percussionnistes de partout et de nulle part, voix singulières du Morvan et de Corrèze s’interpellant par-dessus les images et les situations, en tout une trentaine de personnes s’affairent, comme dans une cour de ferme, autour des images projetées.
Six portraits d’agriculteurs du Morvan et Pays de Tulle
– Trois agriculteurs du Pays de Tulle
Les trois agriculteurs corréziens choisis habitent tous le Canton de Seilhac plateau corrézien de demi-montagne entre Tulle et le Massif des Monédières, un des cœurs de l’élevage bovin corrézien.
Pierre Couloumy , longtemps conseiller agricole tout en s’occupant d’une ferme tenu par ses parents, a repris récemment ce travail à plein temps, aidé par sa mère qui habite sur place. Maire jusqu’en 2008 de la commune de St Jal où il habite, communiste de tradition, il a choisi un modèle d’agriculture à l’écart du modèle prédominant, celui que la petite ferme familiale en polyculture. Passionné de génétique et d’élevage, il a longtemps observé les productions voisines des races Salers et Aubrac et le savoir-faire des éleveurs locaux. Dans ce pays où la tradition du veau sous la mère est comme une religion, Pierre Couloumy ne jure que par cette production, hélas fortement menacée, qu’il s’efforce de promouvoir avec passion. Il s’est remis à cultiver les châtaigniers et compte reprendre l’élevage des cochons dont la Corrèze était, avant les porcheries industrielles, le premier producteur en France. Bref, il conduit aujourd’hui, en toute lucidité, sa ferme comme un anti-modèle pour prouver qu’il existe un autre mode de « développement » de l’agriculture et de l’élevage en Corrèze.
Robert et Jean Claude Pélissier , le père et le fils, sont des agriculteurs amoureux du travail bien fait, quoiqu’il en coûte. Jean-Claude est un des derniers jeunes agriculteurs de la commune de St-Salvadour. Son père Robert aujourd’hui en semi retraite a été façonné par les traditions d’agriculture locale, élevé dans le culte des anciens dans une commune longtemps restée à l’écart des évolutions de la modernité. Né dans un hameau voisin, Robert se plait à raconter une histoire très locale émaillée des légendes et des personnages colorés qui l’ont traversé. Il est aujourd’hui une « mémoire » lucide mettant en parallèle avec un humour dévastateur, histoires ancestrales et tracasseries de l’administration de l’Europe agricole quand son fils continue à entretenir avec un soin jaloux, bêtes, cultures et terrains dans le village des Plats. Après la crise de la « vache folle » au début des années 2000 et les méventes du « veau d’Italie » ils ont amplifié leur production de « veaux sous la mère ».
Héritier d’une grande tradition d’élevage dans le village d’Estors de Beaumont au pied des Monédières qui comptaient plusieurs très importantes exploitations et de remarquables agriculteurs aujourd’hui en retraite ou disparus, Jean-Pierre Lizeaux est lui propagateur depuis toujours dans sa commune de Beaumont de coopératives de matériel agricole et d’organisations collectives. Il possède aujourd’hui une des plus grosses exploitations du pays avec près de trois cents bêtes, en association avec un jeune agriculteur de la commune voisine souhaitant s’installer.
Il réfléchit au devenir de la production bovine du territoire dont il pense qu’elle est mal connue et mal promue. La Fête annuelle de Jarennes, un hameau voisin de la commune, dont il est un des organisateurs, s’efforce de promouvoir la viande du pays et de mieux faire connaître les spécialités gastronomiques de la viande limousine.
– Trois agriculteurs du Morvan
Les trois agriculteurs qui participent au tournage dans le Morvan ont été choisis pour leur positionnement réfléchi entre tradition et modernité. Les trois exploitations sont de taille moyenne avec des diversités de production.
Jean-Charles Cougny ne veut pas se laisser happer par le progrès et la mécanisation à outrance, chez lui pas de 4 x 4, des machines louées à la CUMA, dont il est l’un des membres fondateurs. Il nous emmène faire le tour des prés à pied, promenade rituel de chaque matinée du printemps, de l’été ou de l’automne. Il observe l’état des haies, appelle chacune de ses « filles » par son prénom. La généalogie de ses vaches est aussi minutieusement conservée que la sienne, avec photos et anecdotes à l’appui. Son humour parfois caustique trace par formules les contours d’un métier bouleversé par la mondialisation, un métier qui lui semble, certains matins, un peu absurde mais profondément essentiel. A la fin de la promenade, il nous montre d’un clin d’œil sa « stabu » neuve qu’il se plaît à ridiculiser, mal nécessaire pour pouvoir continuer de faire naître ses veaux. Jour après jour, il pense le monde, la faim, la surproduction, la pollution. Jour après jour, il tente de trouver des solutions à sa mesure : farines sans OGM, surveillance de la pluviométrie, militantisme à la confédération paysanne… Quand son introspection déborde, que la coupe est pleine, il écrit des fictions, profitant des longues nuits d’attente du prochain heureux évènement bovin, puis il les publie.
Plus loin dans la Nièvre, l’exploitation de Philippe Rault est un peu plus grande. Ce petit homme assez réservé se laisse trahir par son regard perçant et son air rieur. Comme le précédent, il a hérité de l’affaire de son père. Il lui a fallu changer beaucoup de choses pour adapter la production à la société moderne. Philippe conçoit son travail en véritable ingénieur, considérant tout élément, les comparant avec d’autres systèmes d’exploitation comme ceux du Brésil, de l’Italie, de l’Allemagne. Sa culture agricole est immense, d’ailleurs, il part en vacances chaque année pour aller observer d’autres méthodes d’élevage. De ce discours technique, naît une vision de l’agriculture d’une grande humanité. Il explique la responsabilité ancestrale et aujourd’hui mondiale de l’agriculteur qui doit nourrir les autres. Ethique qui doit guider celui qui a choisi cette voie vers la qualité et le travail. Il regrette que cette vision globale du métier ne soit pas inculquée aux jeunes car de cela découlerait la responsabilisation, l’amour des bêtes et le goût du travail. Alors il accueille dès qu’il le peut des groupes d’enfants et de jeunes que le métier intéresse et il tente de leur transmettre cette vision des choses en même temps que sa passion.
Aux confins de l’Autunois, Gérard Pipponiau, son père André et son fils Loïc élèvent eux aussi. Des vaches, des veaux, mais également quelques poules, des lapins, des cochons, des ânes, une jument de trait. La filiation se lit dans l’organisation quotidienne du travail : dans la vieille écurie sans chaîne de curage, à plafond bas, le grand-père soigne les veaux fragiles, les vaches malades, les bêtes grasses. Il distribue le foin à la fourche pendant que le petit-fils cure les écuries à la main. Tous deux conversent dans la plus grande complicité sur le poids de cette cularde, la beauté de cette génisse, les dates estimées de vêlage. Le grand-père est responsable des veaux qui ne savent pas téter seuls, il sait comment leur apprendre, il a la patience. Pendant ce temps, dans la « stabu », Gérard distribue la farine en tracteur, vérifie la santé de son troupeau, lâche les veaux pour qu’ils aillent téter leur mère. Ici tous tètent seuls. Dans cette ferme, on aime les bêtes épaisses, le petit-fils présente les plus belles aux concours de la région, il est souvent primé et conserve les photographies des championnes. Il a appris avec son grand-père à les tondre, les parer pour les rendre plus belles, à pincer le postérieur pour voir la finesse de la viande. Gérard préférerait peut-être moins de césariennes, mais il tient à faire évoluer le troupeau dans le sens qu’a choisi son fils qui, un jour, le reprendra. Dans cette ferme, on élève à trois générations, chacun faisant des compromis, écoutant les enseignements de l’autre pour le bien des bêtes et de l’exploitation. Savant mélange d’autrefois et de demain pour guider les gestes d’aujourd’hui.
Reportage photos
Présentation de la création à Sédières (19) le 16 novembre 2008
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