Folk occitane, poésie auvergnate et expérimentation sonore, l’entité Sourdure jusqu’ici portée par Ernest Bergez, se duplique et se conjugue au pluriel : Sourdurent.
Plus de voix à scander la fureur, plus de mains pour frapper les peaux parleuses, plus de cordes pour bercer les instincts et des tuyaux de feux pour faire hurler la joie. Librement digéré, le répertoire traditionnel du Massif Central mute et s’hybride d’influences grecques, perses ou maghrébines. En ressort une musique qui s’adresse autant aux oreilles, aux pieds, qu’aux tripes et peut-être au coeur. Ce peut-être un bal, un concert ou cérémonie spontanée.
La langue y prend une place centrale, faisant office de matière musicale autant que de tremplin poétique et émotionnel. Entre le français et l’occitan, un langage personnel émerge et se fraye un passage au milieu des mots anciens, passés de bouche en bouche.
Une musique qui s’écoute mais qui fait aussi danser, alliée à une poésie franco-occitane communiquée avec une réelle émotion.
Élargissant son projet Sourdure à l’aventure collective, Ernest Bergez donne naissance à Sourdurent pour mieux approfondir sa ligne de conduite : une hybridation audacieuse d’un folklore occitan ancestral et d’expérimentations musicales les plus modernes.
Je sourdure, tu sourdures, il/elle sourdure, nous sourdurons, vous sourdurez, ils/ elles sourdurent. Passant du je au nous, et plus précisement du il aux ils, Ernest Bergez s’est mis en tête de conjuguer son projet Sourdure au pluriel. Pour comprendre, sans doute faut-il revenir à la genèse individuelle de la chose – « chose » n’étant pas ici un terme usurpé, bien au contraire. Au départ donc, Ernest a le projet de passer le répertoire du folklore du Massif Central et de la langue occitane – idiome avec lequel les Fabulous Trobadors avaient en leur temps infiltré le monde du rap – au tamis d’une modernité, pour ne pas dire d’un futurisme largement expérimental (hybridations entre matière ancienne et compositions, synthèse modulaire, musique concrète).
De cette friction spatio-temporelle naissait ‘L’Esprova‘, ovni musical confirmant que, quand elles s’en donnent la peine, nos régions ont quand même vachement de talent. Et qu’il est encore possible de cultiver la tradition sans la plonger dans le formol mais en réinventant sans cesse ses formes, tout en construisant des ponts entre le monde savant et le monde populaire, plus poreux qu’on ne l’imagine.
Le Petit bulletin – Stéphane Duchêne