Les 24 heures de bal folk en Haute-Corrèze

Entretien avec Myriam et Jean-Yves Lameyre, musiciens professionnels du groupe « Musiqu’à Deux » et fers de lance de l’association Rhapsode ».Nouvelles : Comment ce projet de « 24 heures de bal folk » s’inscrit dans votre parcours musical, associatif et professionnel ?
Depuis notre installation en Corrèze en 1980 à Lamazière-Basse, nous nous passionnons pour les musiques traditionnelles. En rencontrant des jeunes musiciens amateurs, nous avons participé à de nombreuses activités et joué au sein de groupes « trad » locaux : bals folk, concerts, stages, mise en place des Reveillés dans notre village, exposition de lutherie et photographie, création d’ateliers hebdomadaires de danses au lycée Agricole de Neuvic d’Ussel…

C’est en 1990 que nous décidons de créer l’association « Rhapsode » et de renforcer nos actions. Dans le paysage des musiques et des danses traditionnelles en Corrèze, nous trouvions qu’il manquait des veillées où l’on pourrait retrouver des musiciens et des danseurs passionnés par ces répertoires et renouer ainsi avec cette grande tradition populaire qu’est le bal.

En 1995, nous créons alors les « Bals Folk en Limousin ». Le concept est simple et efficace : se retrouver une fois par mois pour danser dans des villages de Corrèze. Chaque bal est précédé d’un stage gratuit d’initiation aux danses pratiquées dans les bals trad. (15h à 18h) : neuf « Bals Folk en Limousin » (de septembre à mai) sont donc aujourd’hui programmés dans notre département. L’organisation tient particulièrement à l’efficacité professionnelle de notre duo « Musiqu’à Deux » et à la mobilisation des adhérents bénévoles de l’association Rhapsode.

C’est en 2005, pour fêter les 10 ans de ces bals itinérants et devant la demande des danseurs d’encore plus de musique à danser, que l’idée nous est venue d’organiser les « 24 heures » des « Bals folk en Limousin »

L’impact est fort : l’événement réunit cette année 14 groupes amateurs et professionnels de musiques traditionnelles régionaux mais aussi d’autres régions de France ainsi que des danseurs de tout horizon.

NMCL : Comment se déroule cette opération ?
Les « 24 heures » sont rôdées par douze années d’organisations de « Bals Folk en Limousin » et de « Rencontres de musiques et danses traditionnelles ». Elles sont un des points d’orgue de ces manifestations.

La plus grande difficulté pour la 1ère édition des « 24 heures » était de trouver un lieu adéquat comprenant une salle avec plancher (pas question de faire danser durant 24 heures sur du carrelage) et un hébergement pour les musiciens et danseurs. Le domaine de Mialaret, sur la commune de Neuvic d’Ussel, correspondait à nos souhaits. M. Egge Klop, propriétaire de cette infrastructure, a accueilli avec conviction ce projet et cette année encore, les « 24 heures » se dérouleront à cet endroit.

Le programme est simple : le bal commence le samedi 2 juin à 18h ; le passage des 14 groupes est défini par avance et chacun respecte précisément son temps de passage, les changements de plateau se font extrêmement vite afin que les danseurs ne soient pas interrompus dans leur enthousiasme. Musiciens, danseurs, organisateurs forment une même équipe, constituée non pas pour gagner, mais pour vivre intensément cet événement.

La restauration est assurée par les bénévoles de l’association uniquement pour les musiciens (soit 200 couverts) et l’hébergement dans les chalets et gîtes leurs est aussi offert.

L’entrée du bal est gratuite mais chacun peut, s’il le désire, déposer un soutien financier dans un boite prévue à cet effet. Buvette et sandwich sont prévus pour le public ainsi que les infrastructures du Domaine de Mialaret : Chambres au Château, Chalets, gîtes, camping et restauration.

NMCL : A partir de quel(s) réseau(s) associatif(s) organisez-vous cette manifestation ?
Nous ne faisons pas partie de réseaux particuliers. Ce sont nos connaissances du milieu très spécifique des musiques et danses traditionnelles qui nous lient avec d’autres acteurs en Limousin et dans la France entière. De par notre métier d’artistes du spectacle, nous rencontrons beaucoup de monde grâces à nos prestations musicales régionales et nationales au sein de « Musiqu’à deux ».

Par ailleurs, nous pouvons compter sur les protagonistes et les associations corréziennes habituées à se côtoyer régulièrement par le biais des « Bals Folk en Limousin », ces bals mettent bon nombre de personnes sensibles à ces manifestations.

De plus, nous nous appuyons sur les échanges développés depuis plusieurs années dans le cadre des « Rencontres de Musiques et danses en Limousin » à Lamazière-Basse et à Soursac. Nous y invitons des groupes professionnels de musiques traditionnelles. Chaque groupe invité nous propose un stage de danse et un concert de sa région ou de son pays puis un bal pour finir la nuit. Cela permet de présenter chaque année au public local, connaisseur ou non, une pratique de musiques et de danses vivantes autour d’un répertoire spécifique tout en faisant découvrir davantage aux musiciens invités les richesses musicales de notre territoire. Ce type d’évènement, qui fait davantage appel à des intervenants professionnels et à un public parfois non-danseur, contribue à enrichir et à diversifier notre réseau. Des liens solides et durables ressortent ainsi de ces rencontres et favorisent les diffusions d’évènements exceptionnels comme les 24h.

NMCL : Est-ce les danseurs répondent présents ?
La première année, en 2005, beaucoup de curieux sont venus assister à cet événement. L’an dernier, il y avait moins de monde à la buvette venus uniquement en spectateurs mais beaucoup plus de danseurs sur le parquet qui ont réellement joués le jeu pendant 24 heures.

Comme nous initions toute l’année des personnes à la danse, ce jour-là, excellents danseurs et débutants y trouvent une harmonie complète. Le répertoire interprété par les musiciens est très large et tous les danseurs y trouvent leurs danses préférées : contredanses anglaises et assimilées, danses collectives de Bretagne, répertoire du Sud-Ouest, danses de Louisiane, du Poitou, d’Alsace, Pays-Basque, Bourbonnais sans oublier, bien sûr, le Centre-France : bourrées, mazurkas, scottishs, valses, Ronds d’Argenton, polkas…

NMCL : Est-ce que les « 24 heures » attirent un public spécifique ?
La spécificité de ce public réside sans doute dans la diversité des classes d’âge qui le compose. Ce type de soirées et plus généralement les bals « trad » rassemblent les jeunes et les moins jeunes dans un profond respect, un peu comme dans les sociétés traditionnelles où les musiques et les danses, encore très présentes, sont vecteurs de liens sociaux fort.

Ce qui différencie toutefois les jeunes des autres classes d’âges qui viennent au bal, est vraisemblablement leur capacité à évoluer autant dans le domaines des musiques et des danses traditionnelles que dans d’autres secteurs des musiques actuelles. Cela montre qu’ils ont l’esprit très ouvert sur différents styles de musiques et de danses.

NMCL : Ce bal regroupe des musiciens de statuts différents : certains sont amateurs alors que d’autres sont professionnels. Quels sont les échanges entre ces différents acteurs qui évoluent pourtant sur le même « marché » d’animation des bals ?
Aujourd’hui, la plupart des groupes musicaux présents au « 24h » sont amateurs ; seuls 2 groupes professionnels seront présents : « Mad Tom » (Rachel Goodwin et Hervé Dréan, fondateur du groupe Gallois « Twm Twp », et « Musiqu’à Deux »). Le fait de rassembler lors d’un même évènement culturel des acteurs amateurs et professionnels nous semble une très bonne chose pour échanger et se connaître davantage : nous partageons les mêmes passions mais, bien souvent, les amateurs ne connaissent pas les difficultés que rencontrent les professionnels du spectacle. C’est un moment privilégié de rencontre et d’échange entre les uns et les autres.

NMCL : Comment envisagez-vous l’avenir des prochaines éditions ?
Il n’est pas question de programmer des professionnels du spectacle sans payer correctement leur activité et nous n’avons pas de budget pour cela. Nous souhaitons que les futures éditions des « 24 heures » puissent recevoir les appuis des instances culturelles du Limousin afin de soutenir au mieux cet événement qui prend petit à petit sa place dans le paysage national des nuits du « trad ».

Propos recueillis par Dominique MEUNIER (CRMTL), pour les Nouvelles Musicales en Limousin n°87, juin-septembre 2007.

Renseignements :
Association RHAPSODE , Jean-Yves et Myriam LAMEYRE
19160 LAMAZIERE-BASSE
Tél. 05 55 95 94 49 / 06.88.82.03.32
Répondeur Trad’Info : 05 55 95 08 25
E-Mail : yves.lameyre19@wanadoo.fr