Deuxième famille de modes : modes mineurs

Voici une nouvelle famille de modes, qui ont en commun d’avoir une tierce mineure (un intervalle d’un ton et demi) entre le Ier et le IIIe degré. Cela, dans nos habitudes d’oreille occidentale, leur donne un caractère à priori plutôt tourné vers le sérieux, la gravité, voire la tristesse ou le tragique (bien que cela soit à nuancer beaucoup quand il s’agit de musiques populaires).

Je rappelle qu’il n’est pas question d’entreprendre ici un recensement exhaustif de toutes les possibilités modales rencontrées dans les répertoires traditionnels : en croisant les différents critères permettant d’individualiser des modes (voir note), on obtiendrait une infinité de combinaisons, dans laquelle on ne pourrait que se noyer (à moins de tout simplifier abusivement en rangeant tout sous l’étiquette unique de « mode mineur »)
(c’est-à-dire : l’échelle, l’ambitus utilisé, la défectivité éventuelle = la non-utilisation de certains degrés, la définition précise des intervalles avec les nuances permises hors du tempérament égal, les mouvements mélodiques caractéristiques ou proscrits, les notes de repos, les notes mobiles éventuelles, l’éventuelle ambiguïté de la tonique ou la présence de plusieurs pôles mélodiques d’égale importance, etc.).

Mon propos ici est plutôt de faire un choix parmi ces possibilités, et de définir un certain nombre de configurations pertinentes par leur particularité, c’est-à-dire possédant une construction ou surtout un climat remarquables, et reconnaissables à travers plusieurs mélodies. Il s’agit là de la formalisation d’impressions sensibles : j’ai tout d’abord ressenti et différencié ces climats musicaux intuitivement, à l’oreille, bien avant de me mettre à les analyser.

Il ne s’agit pas d’exclure de multiples autres possibilités, mais de fournir quelques points de départ à un travail de variation et d’improvisation mélodiques, par l’exploration de chaque climat particulier.

Plan de l’article


MODES TRÈS DÉFECTIFS

2-1) MODE MINEUR COURT
mode-2-01-_nuages-dores_Voici un « noyau modal », basé sur la quinte entre le premier et le cinquième degré. Beaucoup de mélodies sont centrées sur cette base, soit strictement comme les trois exemples donnés, soit avec une note supplémentaire occasionnelle en haut (sixième degré) ou en bas (septième ou cinquième degré). Il me paraît intéressant de pratiquer ce mode ainsi que les suivants, très défectifs, pour apprendre à « se débrouiller » musicalement en exploitant toutes les ressources d’un espace mélodique volontairement limité. Cela rejoint de nombreuses musiques traditionnelles et « ethniques » du monde, où des instrumentistes s’expriment par exemple pleinement sur des flûtes aux gammes en apparence très limitées.

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01-MINEUR-COURT


exemple improvisé


exemple mélodique : Lo boier

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exemple mélodique : Tres passeraus

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exemple mélodique : Fai anar petita

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2-2) MODE MINEUR COURT AVEC APPUI SUR 4
mode-2-02-_charbon-de-bois_Avec les mêmes notes que le mode précédent, certaines mélodies ont une couleur sensiblement différente : l’explication technique est que le cinquième degré passe à l’arrière-plan en devenant une simple note de passage peu fréquente, sur laquelle on évite l’appui. Au contraire, le quatrième degré devient une note forte, sur laquelle on s’appuie plus longuement, ou qui revient plus souvent.
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02-MINEUR-COURT-APPUI-SUR-4


exemple improvisé

exemple mélodique : Dessus la grava de Bordeu

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exemple mélodique : Quelle compassion

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exemple mélodique : Pour les besoins de la cause

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2-3) MODE RENFERMÉ
Voici un mode dans lequel l’absence du cinquième degré supprime l’ouverture vers le haut, la clarté donnée par cette note. De plus, la présence d’une sous-tonique basse (septième degré un ton au-dessous de la tonique) accentue cette impression de « tirer vers le bas ».

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03-RENFERME


exemple improvisé


exemple mélodique : La Jana n’a l’aiga passat

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exemple mélodique : Bonjour belle bergère

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exemple mélodique : Mère, donnez ma chemise

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2-4) MODE SOLENNEL
Par rapport au mode renfermé, celui-ci y ajoute le cinquième degré en bas, qui vient « rééquilibrer » l’échelle : celle-ci s’inscrit à présent dans une configuration « plagale » (tonique au milieu de l’ambitus), offrant un espace mélodique plus large, qui est celui de nombreuses mélodies traditionnelles françaises. L’absence du sixième degré donne une couleur particulière à ce mode, notamment dans le mouvement descendant 1-7-5, qui est un pentatonisme. Ceci, associé à l’absence du cinquième degré dans l’aigu, explique pour moi l’impression dégagée par ce mode, que j’associe au sérieux, à la gravité et à la profondeur.
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04-SOLENNEL


exemple improvisé


exemple mélodique : Abal dins la ribieira

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exemple mélodique : Dans le désert la Madeleine

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exemple mélodique : Parlons de boire

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AUTOUR DU MODE DE LA

2-5) MODE PLAINTIF (MODE DE LA AUTHENTE)
Un mode bien connu, qui est aussi l’une des formes du mode mineur classique : le mineur mélodique descendant. Il est loin d’être dominant dans nos répertoires traditionnels, sous cette forme complète. La note caractéristique en est le sixième degré bas (sixte mineure de la tonique), à un demi-ton du cinquième degré, dont il subit l’attraction. Ce sixième degré donne à ce mode ce caractère plaintif, triste dans la douceur, d’où le nom que je propose (toujours dans l’idée de remplacer du vocabulaire technique froid par des noms évocateurs de sentiments ou d’images).

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05-PLAINTIF


exemple improvisé


exemple mélodique : Ma mair maridatz-me

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exemple mélodique : Darrier lo chsteu de Montvielh

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exemple mélodique : C’est à Bagnac le joli bourg

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2-6) MODE ÉCLAIRCI
Avec les mêmes notes de base que le mode précédent, on trouve des mélodies présentant une particularité de climat, en donnant l’impression de changer de couleur en cours de route : on a au milieu de l’air une polarisation et un repos sur le troisième degré, puis une conclusion de la mélodie sur le premier degré. Ces airs prennent à mon avis leur source dans des répertoires anciens issus d’un contexte plus tonal (j’en ai notamment des exemples nombreux dans des répertoires « semi-populaires » du XVIIIe siècle), où un air en mineur comporte en sa partie centrale une modulation dans son relatif majeur, ce qui est un procédé tonal tout à fait courant. Les mélodies populaires qui me servent d’exemple ici, tout en étant compatibles avec un bourdon constant établissant bien la tonique du mode mineur, et interprétées dans un climat de musique modale, conservent en filigrane cette impression d’« éclaircie », due à une couleur majeure passagère .

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06-ECLAIRCI


exemple improvisé


exemple mélodique : Le jeune pâtre

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exemple mélodique : L’auselon

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exemple mélodique : Rossignol de la marine

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2-7) MODE DE LA PLAGAL
Assez peu fréquent dans cette forme stricte, le sixième degré bas dans la partie grave de l’échelle lui donne sa couleur particulière, que je n’ai pas encore su qualifier précisément.

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07-LA-PLAGAL


exemple improvisé


exemple mélodique : Bourrée N° III

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exemple mélodique : Garda ton bon temps

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exemple mélodique : Bouche-trou

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2-8) MODE DE LA PLAGAL TRONQUÉ
Variante du précédent, mais comme pour d’autres modes que j’appelle « tronqués », l’absence du cinquième degré aigu lui ôte de la clarté, le tourne plus vers l’intérieur que vers l’extérieur.

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08-LA-TRONQUE


exemple improvisé


exemple mélodique : Si ieu sabia volar

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exemple mélodique : Abal tras lo castel del rei

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exemple mélodique : D’où viens-tu bergère

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AUTOUR DU MODE DE RÉ

2-9) MODE FIER (MODE DE RÉ AUTHENTE)
Ici, les notes donnant la couleur sont le sixième degré haut, et le septième bas, dont il subit l’attraction. Cette sixte haute donne à ce mode plus de dureté, de brillant, d’où le nom de « fier » que je lui donne ; On peut aussi le ressentir comme « proclamatoire », voire « guerrier »… Il n’est pas très fréquent, mais les mélodies qui l’emploient ont un climat très prenant et bien remarquable, d’autant plus que ces formules mélodiques ne sont pas employées par les différentes formes du mineur classique.

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09-FIER

exemple improvisé

exemple mélodique : Bourrée d’Ambrugeat

 

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exemple mélodique : Le mois de mai

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exemple mélodique : Quand j’étais vers chez mon père

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2-10) MODE DE RÉ PLAGAL
Le groupe de notes caractéristiques du mode de Ré : 5-6-7, est ici placé dans la partie grave de l’échelle, ce qui lui enlève son côté tendu et « claironnant ». Il garde pourtant, pour des oreilles habituées au mineur classique, une impression d’étrangeté, un climat particulier que je n’ai pas encore réussi à nommer. J’ai tout d’abord ressenti cette particularité il y a bien longtemps dans certaines interprétations du groupe folk Mélusine, par exemple la chanson tragique « d’où reviens-tu mon fils Jacques » (dans l’album « La prison d’amour »).

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10-RE-PLAGAL

exemple improvisé

exemple mélodique : Ma charmante Cadet

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exemple mélodique : Oh tout là-haut dedans ces bois

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exemple mélodique : L’hiver en juin

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2-11) MODE DE RÉ PLAGAL TRONQUÉ
L’absence du cinquième degré dans l’aigu enlève là aussi de la luminosité à cette famille de mélodies, « ternissant » ou « intériorisant » le mode . Là aussi, je peux donner comme exemple « cristallisant » ce mode dans mon histoire personnelle, une interprétation de Mélusine : leur version de la chanson « J’ai fait une maîtresse trois jours y a pas longtemps » (ou « l’engagé pour Bourbon »), sur leur premier disque.

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11-RE-TRONQUE

exemple improvisé

exemple mélodique : Dins lo printemps

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exemple mélodique : Y a un long voyage à faire

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exemple mélodique : Grande

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MODES AVEC SENSIBLE

2-12) MODE MINEUR COURANT
Symétriquement au mode « Majeur courant » proposé dans un chapitre précédent, voici une forme mélodique dont la sous-tonique est haute, à un demi-ton sous la tonique, par laquelle elle est fortement attirée. Dans la musique classique on la nomme « sensible », car étant très proche de la tonique, elle crée une forte tension, appelant une résolution conclusive. Ici, le sixième degré est bas, attiré par le cinquième, ce qui fait que chacun des deux degrés forts (pôles mélodiques) est accompagné de sa note « subordonnée », à un demi-ton d’écart. La structure est complétée par le cinquième degré dans le grave, en rapport fréquent avec la tonique (par exemple dans les motifs débutant les phrases mélodiques).
On peut aussi rattacher à ce mode sa version « courte » ou « légère », c’est-à-dire sans le cinquième degré grave, soit : 7123456, également fréquente dans nos répertoires.

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12-MINEUR-COURANT

exemple improvisé

exemple mélodique : Marguerite s’y promène

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exemple mélodique : Lo mes d’abrieu s’es en anat

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exemple mélodique : O calha paubra calha

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2-13) MODE HÉROÏQUE
Voici une forme défective se différenciant du mode précédent par l’absence totale du sixième degré bas qui était à l’extrémité aigüe de l’échelle. En supprimant cette note « adoucissante », le climat devient différent (une autre forme avec en plus un sixième degré haut dans l’aigu a en revanche un rendu très proche de celui-ci). J’ai cherché à définir ce climat, en chantonnant dans ce mode différentes mélodies pour en retirer ce qu’elles avaient en commun : le sentiment qui s’en est dégagé pour moi peut être résumé par l’expression de « résistance dans l’adversité », d’où le nom de « mode héroïque » que je propose. Cette forme de mineur défectif avec une sensible est fréquente dans les répertoires de mélodies « semi-populaires » du XVIIIe siècle (le type de répertoire que je propose aux chabretaires dans un autre article de cette rubrique – faire lien), ainsi que dans certains collectages régionaux de musique de danse qui prolongent au XIX siècle cette couleur musicale (par exemples les recueils de bourrées et montagnardes auvergnates du XIXe siècles tels « L’Album Auvergnat » de Jean-Baptiste Bouillet).

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13-HEROIQUE

exemple improvisé

exemple mélodique : Montagnarde de Rochefort

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exemple mélodique : N’i a pus de Jan

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exemple mélodique : Le roi là-haut est sur son trône

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2-14) MODE MINEUR DE MILLIEN
En faisant l’analyse mélodique de l’important corpus représenté par les collectes d’Achille Millien en Nivernais et Morvan, j’ai rencontré un certain nombre de mélodies présentant une construction modale et un climat communs. Ce mode fait un peu la transition entre le précédent et le suivant : le sixième degré (haut) y est utilisé dans la partie grave de l’échelle, mais seulement dans des motifs ascendants vers la tonique : 5-6-7-1, alors que les mouvements descendants de la tonique vers le 5 sont ceux, défectifs, du mode héroïque, soit : 1-7-5. D’autre part, le cinquième degré haut est souvent absent, comme dans les modes que j’appelle « tronqués ». Dans les traditions modales, un nom de personne ou de lieu peut être à l’origine d’un nom de mode, c’est pourquoi je propose cette appellation en le dédiant à ce grand amoureux de la chanson traditionnelle.

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14-MINEUR-DE-MILLIEN

exemple improvisé

exemple mélodique : Ma mie voilà onze heures

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exemple mélodique : Oh qu’avez-vous ma mie Jeannette

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exemple mélodique : Tiens v’là le bout

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2-15) MODE BICOLORE
La couleur particulière de ce nouveau mode est donnée par le sixième degré haut, quand il est utilisé dans des mouvements descendants tels 1-7-6-5 : entendus après l’autre moitié de l’échelle (12345), ces motifs me donnent une forte impression de collage, de basculement d’un climat à l’autre, de tension ou conflit, presque de discordance, entre les deux moitiés de l’échelle. En effet, c’est comme si on avait ici la moitié d’un mode mineur, collée avec l’autre moitié d’un mode majeur. Cette échelle est connue en théorie classique sous le nom de « mode mineur mélodique ascendant » .

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15-BICOLORE

exemple improvisé

exemple mélodique : Cu n’a vist mon còr tan dolent

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exemple mélodique : Mon père a fait bâtir maison

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exemple mélodique : Le frelon

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LE MODE DE MI

2-16) MODE SOMBRE (MODE DE MI)
Ici, on a un mode sonnant franchement exotique, que l’on peut trouver entre autres dans le flamenco (il est d’ailleurs parfois appelé « mode andalou ») et dans les musiques moyen-orientales. En effet, bien qu’étant une possibilité théorique dans le tableau des modes diatoniques, il me semble (dans l’état actuel de mes connaissances) quasiment absent des musiques traditionnelles françaises, sauf par quelques exemples tellement isolés que l’on serait en droit de se poser la question de la fiabilité de la collecte. Je donne ici les deux exemples que je connais, complétés par une proposition personnelle pour faire bonne mesure. En tout cas, la couleur musicale de ce mode est très belle et prenante, rendue très sombre par un deuxième degré bas, à un demi-ton au-dessus de la tonique. On peut donc avoir grand plaisir à assimiler cette couleur, et à improviser ou faire des airs dans le « mode sombre ».

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16-SOMBRE

exemple improvisé

exemple mélodique : Fillettes de Champagne

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exemple mélodique : J’ai un petit voyage à faire

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exemple mélodique : Valse sombre

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NUANCES D’INTERVALLES SUR LES MODES MINEURS

Comme pour la série précédente, tous ces modes théoriques peuvent être nuancés par le jeu des microintervalles, ce qui peut les colorer très différemment. Par exemple une sous-tonique haute très proche de la tonique (par exemple obtenue en montant de deux tons majeurs au-dessus du cinquième degré) sera très tendue, jouant vraiment le rôle de « sensible », tandis que le même degré un peu plus bas, obtenu par tierce majeure naturelle du cinquième degré, sera beaucoup plus stable, en particulier dans un contexte plagal avec bourdon sur le cinquième degré, avec lequel il sera en consonance parfaite.

A partir du moment où l’on joue dans un contexte non tempéré, ces nuances sensibles de couleur peuvent amener à vraiment différencier des modes qui sont composés des mêmes degrés, et qui seraient identiques sur des instruments en tempérament égal. Pour ma part je n’ai pas encore eu le temps d’explorer et de préciser ces choses dans les modes mineurs : ce sera une étape future.

Au violon, j’utilise la plupart du temps un troisième degré plus haut que le tempéré, la tierce mineure « naturelle » (consonante) de la tonique : par exemple dans les enregistrements d’exemples donnés ici en tonalité de Sol, le si bémol est plus haut que dans la gamme standard (premier doigt un peu plus écarté du sillet sur la corde de La), il est « dans le bourdon » (que ce soit un bourdon de tonique ou de cinquième degré).

Pour le septième degré, quand il est sous-tonique basse (soit un ton sous la tonique), il peut être situé un ton majeur sous la tonique, ce qui le met « dans le bourdon » de tonique et confère à cette note plus de gravité, de profondeur. Une autre nuance le place plus haut, soit à un intervalle de tierce mineure naturelle par rapport au cinquième degré : il est donc maintenant en consonance parfaite avec un bourdon de cinquième degré, mais en tension plus grande avec la tonique (intervalle de ton mineur). Placé ainsi, ce degré est plus léger, plus chantant (la note du tempérament égal se trouve entre ces deux possibilités, et n’est en consonance parfaite avec aucun des deux bourdons).

Il en va de même pour les autres degrés, pour lesquels on peut trouver facilement deux possibilités suivant la consonance choisie avec l’un ou l’autre bourdon, ou avec un autre degré du mode avec lequel il est mis fréquemment en relation (et ceci sans encore parler des notes « entre-deux », tierces « neutres » et autres spondiasmes).

Pour bien sentir tout ceci, il faut expérimenter dans le calme, et bien écouter le jeu des doubles cordes, des résonances par sympathie, des harmoniques, des variations de timbres par petites variations de hauteur, de doigté ou de souffle, en jouant ou chantant sur un bourdon (ce que j’invite chacun à pratiquer pour le plaisir du son et de la découverte).