« Musiqu’à Deux »

Jean-Yves et Myriam Lameyre

Rencontre avec Jean-Yves et Myriam Lameyre, musiciens traditionnels de « Musiqu’à deux ». Intermittents du spectacle, ils appartiennent aux « bals limousins », association de musiciens et de danseurs corréziens qui animent depuis deux ans des bals traditionnels au son des violons, cornemuses, accordéons diatoniques et chromatiques avec les groupes GARABIO (Jean Dupetitmagnieux, Bernard Comby, Jean-Claude Joye, Claude Sardanac), ESCHANTITS (Bernard Comby, Olivier Peyrat), EBERSOL (Christophe Leymarie, Fabien Gendraud, Laurent Lebot) et MUSIQU’A DEUX.
Entretien avec ces deux musiciens pour qui la musique traditionnelle est étroitement attachée aux lieux, aux femmes et aux hommes qui y vivent…

N.M.L. : Comment avez-vous commencé à jouer de la musique ?

Jean-Yves Quand j’étais tout petit, mes parents m’ont fait faire du piano et du solfège, puis, j’ai eu envie de faire de la musique un peu
plus « à la mode ». Avec des copains, on a fait un groupe de rock. Ensuite j’ai décidé de venir m’installer en Corrèze, du coup, tout ce qui était
musique électrique, j’ai plutôt arrêté. Et puis dans une soirée à Lamazière Basse, on a rencontré un jeune qui jouait du violon un peu tzigane, bien trad quand même, qui apprenait tout seul, et il m’a dit trouves-toi un violon, tu verras, c’est facile, tu joues, on s’en fout que ce soit juste, tu trouveras des airs à jouer ». J’ai commencé à jouer du violon en me souvenant de quelques musiques ou chansons que j’entendais à Treignac et un soir, on a été à un bal folk à St Yrieix le Déjalat. J’ai été scié de voir qu’il y avait autant de jeunes qui jouaient de ces musiques traditionnelles. Du coup, je suis allé voir ces musiciens pour leur demander s’ils avaient des cassettes où il y aurait un peu de répertoire à apprendre pour le violon, et de me montrer quelques « combines ». Ensuite, j’ai pris des cours à Davignac avec Françoise Etay, Jean-Jacques Le Creurer, et puis voilà…

Myriam : Moi aussi, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont fait faire de la musique. A l’âge de dix ans, j’ai commencé la guitare classique. Ensuite, j’ai rencontré Jean-Yves, mais je suis venue plus tard à la musique traditionnelle. Maintenant, je crois que je suis à fond dedans depuis six ans.

Jean-Yves : Après, ça va tout seul… Plus ça a été, plus on a rencontré de gens qui jouaient, plus on a eu envie de jouer…

Myriam … et de jouer de plus en plus d’instruments, et ça n’est pas facile à gérer. Je crois que c’est notre vie commune à tous les deux, en Corrèze, qui a fait que cette musique traditionnelle, on la vit, et on a envie de la jouer et d’en vivre.

Jean-Yves : Même quand j’étais môme à Treignac, je ne me suis jamais douté qu’il y avait autant de gens qui se retrouvaient à jouer ces sortes d’instruments et de musiques. Il est sûr que de vivre ici, et de rencontrer les gens, ça nous a bien aidés, parce que je n’avais aucune idée de la force des musiques traditionnelles, représentatives des gens, des peuples, de la vie.

Myriam : Moi, contrairement à Jean-Yves, je suis née dans le midi, à Nîmes, je crois que si je ne faisais pas de musique, je ne sais pas si je
tiendrais le coup ici, en Corrèze. Je me sens à ma place avec la musique qu’on fait.

Jean-Yves : Maintenant, il me semble complètement inimaginable de dissocier le paysage et les gens de la musique, ainsi que de leur langue.

N.M.L. : Mais vous avez choisi de venir ici, à Lamazière.

Myriam : Moi, j’ai débarqué à Lamazière parce que Jean-Yves était venu faire les vendanges dans le Mas où habite ma famille. Ils étaient
trois, partis de la Corrèze. C’est comme cela que j’ai rencontré Jean-Yves, que je l’ai suivi, et c’est lui qui m’a emmenée jusqu’ici.

Jean-Yves : C’est vrai. Avec la musique, c’est bien parce que quelquefois, on part deux jours, et on a vraiment envie de revenir ici, même si
on a rencontré des gens sympas. La vie ici, la maison, les animaux nous prennent du temps.
On n’a pas envie d’un système où on virerait tout pour faire huit heures de musique par jour, aller enregistrer, téléphoner partout pour aller
jouer dans le monde entier, passer à la télé I

N.M.L. Quelle est la musique que vous faites en ce moment ? De quoi est-elle faite ? Quels sont vos choix musicaux ?

Jean-Yves : J’ai envie de revenir à des choses plus simples. Avec le groupe Rhapsode, avec lequel on jouait, les arrangements étaient plus
électriques, plus « grosse structure » avec une sonorisation importante, des morceaux plus élaborés. En ce moment, je recherche plus le jeu acoustique, avec moins de technique, de machins, de trucs, de micros de toutes sortes.
J’ai envie de retourner à des répertoires plus locaux. C’est vrai que j’aime bien les morceaux irlandais, on en travaille toujours un ou deux
parce qu’ils nous plaisent. Mais je crois qu’on a plus envie de bosser du répertoire limousin.

Myriam : On a davantage envie de chanter aussi, de plus en plus.

Jean-Yves : Je e sais pas aussi si c’est le fait d’aller régulièrement à Limoges. Depuis quatre ans, on va au département de Musique

Traditionnelle du Conservatoire, alors, on est un peu plus dans un milieu où on rencontre du monde parce qu’en Corrèze, il n’y a pas grand monde, même si on rencontre les copains une fois par mois pour faire des bals. $i on n’allait pas à Limoges, on serait quand même assez seuls ici. Là-bas on rencontre des gens, avec des idées différentes, des gens d’horizons divers, du coup on s’informe mieux, on est plus au courant des choses. Ca devient sécurisant de se retrouver à jouer une musique qui me semble tout à fait être représentative de ce qu’on vit ici.

N.M.L. : Et cela, vous avez eu l’impression de le découvrir en étant ici, ou c’est une évolution lente, un aboutissement de ce que vous souhaitez faire ?

Jean-Yves : Parfois on s’est trouvé à discuter avec des amis à Lamazière qui font du rock qui n’arrêtaient pas de me dire « ouais, c’est pas
mal ce que tu fais mais tu devrais essayer de jouer un peu plus jazzi, de faire du blues avec ta cornemuse ». Au début je me suis dit que oui, maintenant, j’ai envie de leur dire que non, que je ne ferai pas de blues avec ma cornemuse, mais que je ferai des bourrées, et que je m’affirmerai ! C’est une musique où on peut être surpris à chaque fois, ce qui n’est pas le cas dans d’autres musiques que je peux écouter.

N.M.L. : Mais par rapport à la réception de cette musique que vous aimez faire, vous sentez un changement au niveau du public ?

Jean-Yves : Depuis deux ou trois ans, il y a quelque chose, une recherche de l’authenticité de la part des gens, du public. On a toujours du
mal à crier victoire… Cela dépend du moment. Parfois, tu reçois plusieurs coups de fil enthousiastes et tu es tout content, parfois on ne fait que te dire que tu ne connais pas le répertoire de Ségurel, que tu ne loues même pas de tangos, alors tu as un peu le cafard.

N.M.L. : Très concrètement, Musiques à Deux, c’est qui, c’est quoi ?

Jean-Yves : Violon, accordéon, cornemuse, vielle, chant.
Répertoire Auvergne, Limousin, limite Berry, Cantal.
Comme on jouait avec d’autres copains des répertoires Cajun ou irlandais, on essaie de jouer du répertoire local.
Myriam Ce sont des animations de rues, de marchés, dans les écoles, dans les veillées. Et deux propositions de concerts : ‘En traversant les plaines et les montagnes », sur les chants et musiques de l’Auvergne et du Limousin, et « Invitation au voyage », qui est une ballade en musique et chanson à travers l’Irlande, la Suède, le Québec, la Louisiane, l’Italie et la France.

N.M.L. : Vous avez des projets particuliers ?

Myriam : Faire encore plus de musique, travailler encore plus le répertoire, et s’organiser encore mieux pour tout gérer.

Jean-Yves : C’est vrai que cela prend du temps, quand tu écoutes une chanson qui te plaît, de la travailler jusqu’à ce que tu trouves l’instrument approprié, la tonalité, les arrangements. On sait aussi qu’il y a des gens qu’il faudrait aller rencontrer, des personnes âgées à aller collecter. Ca aussi, c’est un projet.-On avait l’an dernier le projet d’enregistrer une cassette ou un disque de chant et de répertoire local. Plus on y
pense, et plus c’est difficile, dans le choix des chansons, des arrangements. Comme on continue à écouter et à découvrir, on a toujours envie de travailler de nouveaux morceaux…

Propos recueillis par Olivier Durif et Ricet Gallet pour les Nouvelles Musicales en Limousin, n° 50, juillet-septembre 1997.